Publié le Vendredi 11 janvier 2013 à 22h27.

Sans-papiers : Valls regarde mourir, Hollande regarde ailleurs

Le mouvement des sans-papiers a bien du mal à rebondir depuis 2010 et la fin de la double vague de grève comme de l'occupation massive de la « rue Baudelique » (Paris 18e). Pourtant, la grève de la faim engagée à Lille le 2 novembre par 125 sans-papiers de la CSP 59 représente sans doute un tournant que le gouvernement négocie fort mal, au point de prendre le risque de se retrouver dans le décor. Cette affaire pourrait en effet faire date en le discréditant jusque dans les cercles militants qui lui sont le plus proches.L'inanité de la circulaire de non-­régularisation du 28 novembre n'avait surpris que ceux qui n'avaient pas lu les propositions du candidat Hollande, dont les orientations s'étaient trouvées confirmées par la nomination de Manuel Valls au ministère de l'Intérieur, avec maintien de l'immigration dans son périmètre.Continuité politique On aurait pu en rester là – et c'était bien le souhait du gouvernement. Mais c'était compter sans la détermination des sans-papiers. À Lille, cette détermination, sous l'effet du désespoir, s'est traduite dès le 2 novembre (eux ne se faisaient pas d'illusion sur la circulaire à venir) par l'engagement d'une grève de la faim. Ce n'est pas le type d'action que nous encourageons. Mais il ne s'agit pas moins d'un fait social et politique. Et pour peu que l'adversaire y mette du sien, en ne lui opposant que sa « bêtise à front de taureau », il se révèle propre à infléchir le cours des événements.En se campant dans le rôle d'une Margaret Thatcher au petit pied, Manuel Valls (grisé peut-être par des sondages fallacieux qui englobent les appréciations admiratives des Français de droite) s'est ainsi jeté contre un mur. Au point, sonné, de ne pas voir que sa politique, en matière d’indignité, n’avait plus rien à envier à celle du gouvernement précédent. En faisant appel d'une décision de justice pour arracher le droit d'expulser deux des grévistes de la faim et en procédant à leur expulsion à l'aube du 30 décembre, il allait déclencher une véritable onde de choc (cf. Tout est à nous ! n°176).D'autant qu'il devait, dès le lendemain, le 31 décembre, transformer l'essai, avec l'expulsion au Pakistan d'Ahmed, jeune majeur arrivé en France à 15 ans, errant pris en charge en 2006 par l'ASE et pouvant faire figure de modèle d'« intégration », comme ils disent, avec son CAP de plomberie obtenu en quelques années (dès 2009). Mais voilà, Ahmed n'avait pas obtenu la transformation de son titre « étudiant » en Vie privée et familiale avec autorisation de travailler. Moyennant quoi, après un premier refus d'embarquer le 30 décembre, il se retrouve le lendemain ficelé comme un paquet, bâillonné et expédié au Pakistan où la police le retient en le menaçant d’emprisonnement s'il ne verse pas 1 500 euros ! La somme a été réunie grâce à une souscription lancée par RESF, mais, à l’heure où cet article est rédigé, on était sans autres nouvelles d’Ahmed.Amplifier le mouvementBon vomitif après le trop plein des fêtes pour certains, l'histoire est de celles qui sont en mesure d'éveiller les consciences. C'est dans ce contexte que, le 3 janvier, des sans-papiers de plusieurs collectifs et leurs soutiens ont occupé brièvement le siège du PS. La presse nationale daigne en parler un peu, alors que, jusque-là, l'écho médiatique de la grève ne s'était pas propagé au-delà des limites de la région. Des manifestations de soutien aux grévistes sont organisées à Lille et à Paris. Les organisations de soutien s’y impliquent et y sont sensiblement mieux représentées que lors d’autres occasions récentes. À ce stade, le mouvement surfe sur l'émotion. Mais l'histoire montre la puissance du déclic qu’une telle configuration peut provoquer (y compris dans les mois à venir), à condition que la mutation en conscience politique ait lieu. Car face au racisme d'État, l'antiracisme moral n'est pas une réponse appropriée. C'est en replaçant l'expression brutale de ce racisme d'État dans le contexte d'une politique migratoire et sécuritaire, et plus largement d'une politique économique et sociale, extrêmement agressive, que nous pourrons donner au mouvement des sans-papiers l'assise plus large qui lui est indispensable et dont les débouchés sont imprévisibles.La responsabilité d'accompagner et de faciliter cette mutation incombe d'abord aux partis politiques ; et dans cette partie, le NPA devra prendre toute sa place, sans relâche, tant directement aux côtés des sans-papiers que dans l'élaboration du cadre unitaire. Est-il meilleure manière de préparer notre congrès ?François Brun et Syl20