L’État n’est pas le remède. La situation actuelle produit un double mouvement dans la population. D’abord une méfiance vis-à-vis des dirigeants et de leur action face au coronavirus ; cette méfiance est particulièrement forte en France. Mais la méfiance s’accompagne de fortes attentes vis-à-vis des États desquels, au plus fort de l’épidémie, les populations ont été largement dépendantes pour leurs revenus (chômage partiel, allocations sociales) et les mesures sanitaires.
L’État a réglementé les modes de vie à un degré jamais atteint : quasiment toutes les libertés traditionnelles ont été suspendues ou réglementées au nom des nécessités sanitaires (il ne s’agit pas ici de soutenir que le confinement a correspondu à un complot ourdi par des forces obscures à la manière de l’extrême droite US). Et dans l’incertitude sur le futur (deuxième vague possible de l’épidémie, déferlante des licenciements…), la demande d’action de l’État restera forte.
Cette attente offre des marges de manœuvre aux dirigeants pour se maintenir, voire consolider leur pouvoir. Face aux soubresauts de la crise, l’État va se présenter comme « raisonnable », « protecteur » et « innovateur ». L’imagination des gouvernants pour vendre du vieux profondément capitaliste en le faisant passer pour du neuf sanitaire et humain sera sans limite.
Les macronistes s’enflamment pour la participation aux bénéfices, censée soutenir le pouvoir d’achat et perfectionner la démocratie dans l’entreprise : vieille ficelle pour ne pas augmenter les salaires. Le soutien aux entreprises sera enrobé d’un vernis écologiste. Pour favoriser le télétravail « dans l’intérêt des salariéEs », il y aura de nouveaux allégements du code du travail, alors que cette forme d’emploi atomise les travailleurEs et réduit leur capacité d’action. La flexibilité des horaires sera amplifiée. Etc. De toute manière, « il faudra reconstruire l’économie » et, plus tard, « payer la dette ».
Il y aura sans doute des concessions, dans le secteur de la santé par exemple, mais fondamentalement, l’objectif sera de marquer des points idéologiques et d’obtenir la discipline et la soumission du monde du travail. Pour cela, le néolibéralisme « new look » renforcera encore très probablement sa fonction répressive.
Gouvernants et capitalistes ont donc de la ressource. L’objectif n’est pas ici de « désespérer Billancourt » comme on disait à l’époque où Renault-Billancourt était un bastion de la classe ouvrière, mais de pointer la contradiction de la situation. L’État bourgeois n’est pas le remède. Il faut bien sûr en exiger le maximum de mesures sociales mais, simultanément, s’organiser et développer la défiance militante et les ferments d’auto-organisation apparus pendant la crise. Pour que demain ne soit vraiment pas comme hier…