La semaine dernière a été rendu public l’appel « Rejoignons-nous », signé par une cinquantaine de militantEs associatifs, syndicaux et politiques, dont des camarades du NPA. Un appel « pour construire un nouveau projet politique » qui, s’il pose des questions qui rejoignent nombre de celles que nous nous posons au NPA, y apporte des réponses qui méritent discussion.
Nous partageons le constat des dangers inhérents à la crise multidimensionnelle du capitalisme (crises sanitaire, sociale, économique, démocratique et écologique), avec ses corollaires : cours autoritaire, désagrégation des liens et solidarités sociales, menace fasciste, etc. Autre constat partagé, celui de la multiplication des résistances, jusqu’à des révoltes populaires de masse, signes d’un refus de se résigner à l’ordre libéral-autoritaire dominant et symptômes d’une crise d’hégémonie des gouvernances bourgeoises à l’échelle internationale. Enfin, nous ne pouvons manquer d’être d’accord avec les signataires lorsqu’ils et elles soulignent l’absence de perspectives politiques alternatives à une échelle large, capable de regrouper celles et ceux qui se mobilisent aujourd’hui contre la barbarie capitaliste et refusent les solutions de replâtrage.
Changer le monde sans prendre le pouvoir ?
L’appel « Rejoignons-nous » n’est, dès lors, pas de la même nature que les divers appels issus de la gauche institutionnelle, qui se sont multipliés ces derniers temps, entre autres et notamment lors du confinement du printemps. C’est pourquoi nous faisons le choix de nous situer dans une démarche de dialogue critique avec ses animateurEs, en faisant le constat que si l’appel pose un certain nombre de bonnes questions, certaines réponses et certains manques nous semblent problématiques.
L’une des grandes absentes du texte est, ainsi, la question du pouvoir, qui se manifeste notamment par la non-évocation du rapport des mobilisations sociales et des organisations politiques à l’État et aux structures de la démocratie parlementaire. En d’autres termes, les questions stratégiques semblent reléguées au second plan, ce qui n’est pas une mince affaire à l’heure de la crise généralisée des rapports de domination politique et de l’usure des structures de la démocratie bourgeoise. Nul procès d’intention ici, mais un constat : la question des modalités politiques de la « transformation révolutionnaire de la société », qui ne peut résulter de la seule transcroissance des mobilisations sociales et/ou de victoires électorales, fait pour nous partie des incontournables dans toute discussion dans la gauche anticapitaliste et révolutionnaire. On ne changera pas le monde sans prendre le pouvoir.
Quel sujet pour la transformation sociale ?
Un autre problème mérite d’être posé : celui du sujet, ou des sujets de ladite transformation révolutionnaire de la société. En effet, si les diverses mobilisations de ces dernières années sont évoquées, ainsi que leur rôle éminemment positif dans la résistance au rouleau compresseur libéral-autoritaire, la question du rôle moteur et indispensable des salariéEs, en raison de leur position centrale dans le fonctionnement du système capitaliste, et de leur moyen d’action le plus puissant, la grève, n’est pas abordée. Là encore, pas de procès d’intention, mais si l’on ne peut que partager la nécessité d’intégrer à nos questionnements, à nos perspectives et à nos pratiques les nouvelles radicalités et les nouvelles formes de mobilisation, l’absence totale de mention des classes sociales et du rôle incontournable des salariéEs ne manque pas, là encore, d’interroger.
Enfin, la perspective de la constitution d’une « nouvelle organisation nationale capable, dès 2021 […], d’entrer en discussion avec d’autres organisations », a de quoi surprendre. Nous connaissons les limites du NPA, savons que nous ne sommes pas détenteurEs des solutions miracles aux problèmes que se posent celles et ceux qui n’ont pas renoncé à la perspective d’un autre monde, et pouvons nous reconnaître dans nombre des préoccupations figurant dans l’appel. Mais de toute évidence : on est là !
Le NPA n’a jamais été conçu comme une fin en soi mais comme un outil, une médiation politique, et se pose de manière explicite la question de son dépassement, tout en ne renonçant pas à avoir une boussole stratégique claire. L’annonce de la constitution d’une « nouvelle organisation » peut donc apparaître, de notre point de vue, comme une volonté de contourner l’existant (au-delà du NPA) et de faire l’impasse sur les nécessaires bilans des expériences récentes, en France et ailleurs, de « nouvelles organisations ».
Autant de clarifications à opérer, de points de vue à confronter, de questions de fond à discuter… Rencontrons-nous ?