Jacques Morand (nom de plume de Jean-Claude Kerjouan, connu aussi sous le nom de Illy) est mort dimanche 10 mai des suites d’un cancer, à l’âge de 77 ans.
Encore lycéen en 1956, il avait rejoint Voix ouvrière (VO), le groupe dont est issu Lutte ouvrière (LO). C’était un choix politique d’entrer dans ce petit groupe. C’était l’époque où le Parti socialiste de Guy Mollet était revenu au gouvernement et engageait une nouvelle escalade dans les guerres coloniales. Il était servi par la passivité du Parti communiste, lequel lui avait même voté les « pouvoirs spéciaux », ce qui lui a permis d’envoyer le contingent en Algérie. Les idées révolutionnaires n’étaient pas dans le courant, et il fallait un certain courage politique pour les défendre. Il fallait aussi à l’occasion un certain courage physique, car la seule diffusion de tracts comme les bulletins VO à la porte d’entreprises n’était pas du goût des bureaucraties ouvrières qui voulaient s’arroger le monopole de l’expression et de l’organisation des travailleurs dans les usines.Jacques Morand a ensuite fait partie de la direction de VO, puis de celle de LO, dès la reconstitution de ce groupe après l’interdiction des organisations révolutionnaires qui a suivi Mai 68. Aux côtés de camarades d’entreprise de différents secteurs (notamment de la Snecma ou du secteur cheminots), il a largement contribué à l’intervention des militants révolutionnaires dans les luttes ouvrières, et en particulier à l’émergence de comités de grève ou coordinations, organes démocratiques de direction de ces luttes.Au début des années 1990, il a impulsé la constitution de la minorité de LO dont est issue la Fraction l’Étincelle – aujourd’hui partie intégrante du NPA – dont il était, jusqu’à aujourd’hui, un des principaux dirigeants.Les militants de la génération de Jacques Morand sont de ceux qui ont fait sortir les organisations trotskistes de l’ombre dans laquelle elles étaient restées confinées pendant des décennies. Tout en militant dans de petits groupes, Jacques n’en était pas pour autant fanatique et avait compris qu’il était nécessaire d’avoir des contacts avec ceux qui se réclamaient des mêmes objectifs et des mêmes idéaux, ce qui a conduit cette minorité de LO, entre autres, à entamer avec la tendance Révolution de la LCR de l’époque des discussions suivies qui ont mené à la publication en 1999 de la revue Convergences révolutionnaires, paraissant tous les deux mois et qui se donnait pour but de mettre ensemble ce qui pouvait l’être. La collaboration s’est arrêtée sous cette forme, puisque la LCR s’est dissoute dans le NPA, mais continue sous d’autres formes dans cette organisation, et avec d’autres militants et petits groupes trotskistes d’autres pays.Ce que Jacques a gardé de sa jeunesse durant toute sa vie, ce sont ses idées, ses engagements, son énergie pour les défendre. Il avait tout particulièrement à cœur de suivre de près, ce qu’il a fait jusqu’à son dernier souffle, le travail des jeunes, avec la volonté de leur transmettre le regard sur la société qu’il avait à leur âge, sa volonté farouche de participer à sa transformation, sa combativité à défendre ses convictions.Tous ceux qui le côtoyaient connaissaient sa soif des bonnes choses de la vie, son humour parfois caustique, son attention aux problèmes rencontrés par les uns et les autres. Plus que tout, il était préoccupé de saisir les opportunités du moment, sur le plan politique ou social, de n’en laisser échapper aucune, quitte à paraître vouloir forcer des situations. Jacques représentait beaucoup pour nous tous et son aide politique nous manquera.Un hommage lui a été rendu le lundi 18 mai au Père Lachaise à Paris.
Ses camarades