Ce samedi 17 novembre auront lieu de nombreux « blocages » contre les hausses du prix des carburants. Lancé au départ comme un mouvement citoyen, largement appuyé par les patrons du transport et relayé par la droite et l’extrême droite, cet appel rencontre aujourd’hui un large écho dans les milieux populaires.
Nous ne savons pas encore précisément l’ampleur et la forme que prendra la journée de samedi, mais les relais médiatiques ces derniers jours sont impressionnants. Les « gilets jaunes » sont omniprésents, obligeant tout le monde à se positionner... voire à tenter la récupération. Indépendamment des calculs des uns et des autres, de larges secteurs se saisissent de cette mobilisation pour exprimer leur mécontentement contre un gouvernement au service des riches qui fait les poches aux pauvres.
Une colère légitimeCette colère est la bienvenue. En effet, le prix du carburant a explosé de façon spectaculaire pour tous les automobilistes. Ainsi, le prix du diesel a augmenté de 23 % en un an et de 5 % en un mois. Et il en est de même pour l’essence : 15 % d’augmentation pour cette seule année. Cela alors que le pouvoir d’achat a baissé en moyenne de 0,6 % sur le premier semestre 2018… Dans le même temps, les patrons du transport sont eux globalement exonérés du paiement d’une grande partie de ces taxes : ils ne payent pas la TVA sur les carburants pour leurs véhicules utilitaires…Sommet du scandale, les multinationales, à commencer par celles qui font commerce du pétrole, s’enrichissent de façon indécente : le « fleuron français » Total affichait l’année dernière un résultat net de 8,6 milliards de dollars, soit une hausse de 39 % par rapport à 2016 ! Pourtant, grâce à ses montages financiers et à sa pratique assidue de l’évasion fiscale, Total ne paie aucun impôt sur les sociétés !Outre qu’elles sont injustes socialement, ces taxes sur les carburants sont aussi inefficaces sur le plan écologique car toutes les raisons qui contraignent les travailleurEs à utiliser leurs voitures individuelles sont bien supérieures aux incitations fiscales à ne pas les utiliser. C’est le coût du logement dans les villes qui oblige les plus pauvres à habiter loin de leur lieu de travail. C’est la disparition des services publics en campagne qui contraint la population à parcourir des kilomètres pour trouver un bureau de poste, un médecin, l’agence Pôle emploi... voire une école. C’est la disparition organisée des trains de proximité, la fermeture de kilomètres de « petites» lignes et de gares qui contraignent à utiliser une voiture individuelle. Taxer les carburants ne va pas les faire revenir !
« Tout augmente... sauf les salaires ! »La période ouverte par la mobilisation autour du 17 novembre doit être l’occasion de mettre en avant des revendications essentielles qui ne peuvent en rester à la seule question de la hausse du carburant.Nous ne confondons pas l’impôt et les taxes. Si nous défendons un impôt fortement progressif sur le patrimoine, les revenus, les entreprises... nous combattons les taxes, dont le taux est identique pour tout le monde, que l’on soit smicard ou millionnaire. Ces impôts indirects aggravent les inégalités en faisant payer massivement les moins riches d’entre nous qui sont aussi les plus nombreux... C’est la raison pour laquelle nous défendons la suppression de la TVA, à commencer par celle sur les produits de première nécessité. À l’inverse, il faudrait taxer les profits et, au-delà, réquisitionner les multinationales de l’énergie comme Total.Nous avons besoin de développer les transports en commun pour en finir avec le « tout voiture », coûteux et nuisible pour l’environnement. Il s’agit de permettre à toutes et tous de se déplacer massivement en bus, tramway et métro dans les villes, en car ou train dans les départements,en augmentant massivement l’offre de transports collectifs, en les adaptant aux besoins (mode, maillage, fréquence...), et en les rendant gratuits.Augmentation de la CSG, baisse des APL, stagnation des salaires, désindexation des retraites, retour de l’inflation : autant de coups qui provoquent une baisse globale de notre pouvoir d’achat alors que, dans le même temps, la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 atteint 5 millions d’euros par an, soit plus de 280 années de Smic (l’augmentation la plus forte de ces dix dernières années !). Nos revenus, salaires et pensions, doivent être augmentés de 300 euros net pour pouvoir enfin vivre dignement.
Reprendre l’initiativeCes derniers jours, Macron manœuvre pour tenter de désamorcer la colère. La semaine dernière, son « itinérance mémorielle » a tourné à l’épreuve, au cours de laquelle il a été confronté à un large mécontentement sur le pouvoir d’achat. Lundi matin, il a dû convoquer en urgence une réunion interministérielle qui a accouché de la possibilité d’extension de la prime de reconversion automobile et du chèque énergie pour les revenus les plus modestes. Des propositions qui, si elles devaient être confirmées, seraient bien insuffisantes au vu de l’ampleur du mécontentement.Ce samedi 17 novembre, de nombreuses initiatives (blocages, actions...) sont prévues, dans un cadre assez ambigu concernant les revendications et fluctuant sur la forme des actions, sur fond d’apolitisme revendiqué par les « gilets jaunes ». Le NPA apporte son soutien à toutes les initiatives locales, en particulier celles issues du mouvement social, qui permettront au 17 novembre de porter en toute clarté, et sans se mêler en aucune façon à l’extrême droite, les revendications du monde du travail.Au-delà de cette journée est plus que jamais posée la nécessité de construire une riposte d’ensemble contre la vie chère, pour l’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat, pour la justice sociale. La gauche sociale et politique doit reprendre l’offensive : il y a urgence.
Manu Bichindaritz