La campagne présidentielle peut être une occasion de développer notre analyse de la situation dans tous les domaines et de proposer des réponses alternatives. Ce n’est pourtant pas ce parti que prennent les auteurEs des réponses aux questions de France Inter, publiées dans Tout est à nous ! n°124, à propos de l’école.
Le service public d’éducation est aujourd’hui dans l’œil du cyclone. Les contre-réformes accumulées ces 20 dernières années et accélérées depuis 2007 constituent désormais un tableau cohérent et presque abouti de l’école dont rêve la bourgeoisie française, en lien avec les préoccupations plus générales de l’Union européenne ou de l’OCDE. Il s’agit tout à la fois d’en finir avec un des secteurs les plus combatifs, d’arrêter de répondre à la demande sociale d’éducation – le patronat français n’ayant plus intérêt à une hausse indifférenciée de la qualification de la main-d’œuvre – et de faire en sorte que l’éducation se conforme à la logique managériale. Dès lors, l’urgence est pour nous de rendre visible et intelligible cette logique générale, à l’occasion de chaque mobilisation défensive sur une nouvelle attaque, et d’avancer les éléments d’un projet radicalement alternatif. Or, les réponses du NPA ne donnent à voir ni la logique globale des attaques ni un projet alternatif.
De fait, elles incluent des formules glissantes du point de vue même des revendications syndicales. C’est le cas du « parcours d’apprentissage » de « chaque jeune », qui « doit pouvoir être adapté ». Formulé ainsi et sans plus d’explication, on croirait lire une circulaire ministérielle. Les enseignantEs se battent contre la logique d’individualisation qui renforce la ségrégation interne à l’Éducation nationale, renforce la culpabilisation individuelle face aux difficultés scolaires et déstructure le groupe classe.
C’est encore plus net sur le temps de travail. En réponse à une question sur l’instauration des 35 heures dans l’EN et les nouvelles missions des enseignantEs, l’article indique : « oui aux 35 heures, et même aux 32 heures qui seraient réparties entre le temps de travail devant les élèves et hors de leur présence ». Voilà qui va faire bondir dans les écoles, les collèges, les lycées, les universités. Et c’est mal connaître les problèmes actuels des enseignantEs. L’addition des tâches « hors-classe » (préparations, corrections, suivi des élèves, concertation…) et des heures de cours fait un total plus proche des 42 heures que des 35. Mais la multiplication des tâches autres que l’enseignement est justement un moyen d’augmenter le temps de travail des enseignantEs sans aucune limite et de supprimer des postes de personnels administratifs. L’hypothétique « 35 heures toutes tâches comprises » renvoie à une idée du Sgen-CFDT… à laquelle les libéraux se rallient sans complexe pour redéfinir au passage la nature des missions enseignantes. Autre problème : face aux inégalités sociales et scolaires, on renvoie à la responsabilité du capitalisme lui-même, et on en appelle au droit au logement, au travail et aux soins gratuits. Et notre projet pour l’école, alors ? De même, à la question sur « la 2e carrière des enseignantEs », on omet de répondre que la question elle-même n’a pas de sens et que les enseignantEs ne veulent pas changer de travail mais avoir les moyens de le poursuivre dans de bonnes conditions et sans que leurs missions ne soient dénaturées.
Faut-il comprendre qu’aucune réforme n’est possible avant la révolution socialiste ?Il nous semble qu’il s’agit là d’un bon exemple des impasses actuelles de la campagne du NPA : propagandisme abstrait, absence de revendications transitoires, manque de sérieux sur la complexité des enjeux de la situation, et ce dans l’ensemble des champs qui nous concernent. Avec la décrédibilisation que cela implique, bien au-delà de la campagne elle-même…
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