Le NPA a hérité de la LCR cette conception saine que nous ne sommes pas le parti unique de la révolution, le noyau dirigeant autour duquel viendront s’agglomérer les prochaines générations de révolutionnaires. Les camarades de l’ex-PFA débattent ici de leurs conceptions du parti.
Nous avons gardé dans notre ADN cette volonté de toujours chercher à nous dépasser, à fusionner avec d’autres expériences militantes, pour construire une organisation utile à la classe. Cette politique s’est faite souvent en l’articulant aux enjeux de front unique et aux différents mots d’ordre utilisés ces dernières années : « bloc social et politique », « opposition de gauche », « gauche de combat », etc.
Un premier retour sur l’expérience du NPA
Nous avons toujours fait attention aux diverses tentations auto-proclamatoires, comme ont pu le faire les différents groupes et partis d’extrême gauche dès lors qu’ils commençaient à se développer.
Par moments, dans nos discussions internes, se mélangent les deux niveaux de discussion, à savoir le type d’organisation qu’il nous faut construire pour la transformation révolutionnaire de la société, et le cadre de front unique dans lequel nous nous inscrivons à un instant T.
Le lancement du NPA à partir de 2008 relevait de cette volonté d’auto-dépassement. S’inscrivant dans l’orientation des « partis larges » portée par la 4e Internationale — qui considérait que le clivage entre réforme et révolution n’était plus opérant après la chute du Mur, et qui voulait unir face à la contre-révolution libérale — il s’agissait alors quelque part de perdre en substance pour gagner en surface pour reprendre une formule de l’époque.
Le vent était porteur — victoire du Non au référendum sur le traité européen en 2005, mouvement victorieux contre le CPE en 2006, crise du PCF, et bon score d’Olivier Besancenot en 2007 — un espace à gauche du PS semblait s’ouvrir pour un nouveau parti anticapitaliste. La dynamique était là au début : syndicalistes de lutte, militant·es PCF en rupture, altermondialistes, libertaires, mais également des groupes de l’extrême gauche trotskiste comme l’Étincelle, le groupe CRI, etc.
Avec cette forme organisationnelle de parti large que nous avions choisie se côtoyaient ainsi des courants réformistes et des courants révolutionnaires, de manière plus ou moins formalisée.
C’est qu’il ne s’agissait alors pas de trancher toutes les questions stratégiques mais d’avancer collectivement. Ce format s’est fracassé à la première difficulté : on peut en déduire qu’il ne pouvait peut-être fonctionner que par temps calme.
Notre projet de parti est alors entré en crise. Nous avons traversé un certain nombre de clarifications, mais toujours en négatif :
La sortie de Mélenchon du PS au même moment que se lançait le NPA, la création du Front de Gauche puis de la FI a largement occupé l’espace politique que nous comptions prendre (avec néanmoins une délimitation plus large, puisque nous voulions rassembler anticapitalistes et révolutionnaires et qu’elle rassemble antilibéraux et anticapitalistes) ;
Le départ de la Gauche Anticapitaliste en 2012 a clarifié notre existence comme parti indépendant de la FI ;
Et même d’une certaine manière, la scission finale qui nous a fait repousser la forme-secte. Si la scission a eu le mérite d’avoir été voulue et menée à bien par une majorité du NPA — L’Anticapitaliste, donc de ne pas avoir été subie, force est de reconnaître que le NPA-R la voulait également.
Ainsi, à force de structures concurrentes, de départs et de scissions, nous ne sommes plus un parti large, ni large en nombre ni large dans son identité. D’une certaine manière (et paradoxalement), la scission de 2022 a été le coup final porté au projet du parti large : car c’était de fait une clarification. Nous sommes le « NPA canal historique », ce qui veut dire que nous sommes la continuité dans le présent de la LCR, de son histoire et de ses positions politiques. Mais si c’est un début, la définition en négatif, imposée par les événements, ne suffit pas. Pour convaincre largement, nous avons besoin d’un projet.
Unitaires et révolutionnaires
À l’issue de ce congrès de séparation, nous avons réaffirmé nos axes, à savoir « unitaire et révolutionnaire », en considérant que l’un ne doit pas aller sans l’autre. Mais si la rupture avec le futur NPA-R s’est faite notamment sur la question des alliances électorales avec les organisations antilibérales et réformistes, cette question n’en est pas pour autant l’alpha et l’oméga.
Il y a eu une reconstruction a posteriori, tirant un trait d’égalité et une cohérence d’ensemble depuis la liste « Bordeaux en Luttes » de 2020 à notre entrée dans le NFP en 2024, en passant par les expériences aux Régionales de 2021 et les négociations avec la NUPES en 2022.
Cette reconstruction a posteriori sert à justifier une politique qui se voudrait plus unitaire encore, et que nous jugeons, à regrets, à l’ex-PFA un peu opportuniste par moments vis-à-vis de LFI.
Chacune de ces expériences est pourtant différente dans son contexte, dans son fond et dans sa forme. Bordeaux en Luttes est une liste du mouvement social, avec des animateur·trices des luttes, construite avec la base militante de La France insoumise avant que la direction ne se raccroche finalement aux wagons. Son programme était anticapitaliste, proche du nôtre. Elle a suscité une forte dynamique populaire et militante.
Les expériences aux régionales l’année qui a suivi, à savoir « On est là ! » (en Nouvelle-Aquitaine) ou « Occitanie Populaire », ont bien davantage relevé d’un accord d’appareils, sur les bases programmatiques de LFI. Ainsi, en Occitanie, pour obtenir cet accord, nous avons renoncé à nos positions historiques qui consistaient à refuser que l’argent public serve à financer des entreprises privées.
Au moment des négociations qui ont abouti à la NUPES en 2022, nous cherchions à négocier un accord séparé avec la FI qui mettait par écrit les points d’accord et les points de désaccord, comme celle-ci l’avait fait peu avant avec le PCF et EELV.
Enfin, ce qui a fait que nous avons rejoint le NFP en 2024, c’est avant tout un diagnostic partagé de la catastrophe qu’aurait représenté l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir, de la menace de l’extrême droite. Nombre de camarades hostiles aux tactiques unitaires lors des précédentes échéances électorales se sont rallié·es sans états d’âme à la campagne du NFP, bien conscient·es de l’urgence.
Le grand malentendu
À nos yeux, ces deux décisions fortes (séparation de 2022 et participation au NFP) ont été la source d’un grand malentendu, en justifiant les dernières tentatives de dépassement du NPA-A et en particulier les volontés de rapprochement avec la GES et Ensemble.
Ce grand malentendu a consisté à croire, ou à faire croire, que la tactique (notre approche unitaire aux élections) signifiait une convergence stratégique avec les courants précités. Venant d’Ensemble et de la GES, cette interprétation était logique.
Bien qu’issu·es de notre tradition politique (la LCR et la IVe Internationale), ce sont des camarades qui ont aujourd’hui une approche institutionnelle du changement social. Dans leur logiciel, les élections sont fondamentales, ainsi que la conquête de postes dans les assemblées et les exécutifs. C’est ce qui fait que l’outil politique qu’ils veulent construire et qu’ils construisent n’est pas un parti révolutionnaire.
Focalisé·es sur la recherche d’accords avec les organisations réformistes (et de plus en plus sur la chimère de l’union de la gauche), iels ne cherchent pas à construire une organisation révolutionnaire, indépendante, implantée dans la classe. En témoigne leur investissement dans LFI et dans l’Après, une organisation pourtant bien moins radicale que LFI…
D’autant plus que les discussions avec la GES au niveau national — qui finalement n’ont mené à rien, puisque la GES ne s’est pas divisée à son dernier congrès — montrent bien l’inactualité d’un rapprochement entre nos deux organisations, quand bien même il ne s’agirait dans le cas de la GES que d’une fraction de celle-ci.
À une échelle locale, des comités NPA et GES peuvent dialoguer ensemble, et nous aurions pu penser un dialogue et un militantisme plus fructueux qu’au niveau national, mais les discussions ne l’ont pas plus été. Les militants et militant·es de la GES cherchent avant tout à construire La France insoumise, défendent leur programme et défendent les candidats de La France insoumise.
Dans le comité du 10e arrondissement de Paris, les militant·es de la Gauche Écosocialiste sont avant tout des militant·es insoumis·es. Dans les cadres unitaires, leur représentant est présenté comme tel, il défend avant tout les intérêts de la FI, et s’est par exemple opposé à la plupart des actions proposées par le NPA 10e, à tel point qu’il pouvait paraître plus insoumis que Mélenchon, jusqu’à nous inciter à rejoindre LFI.
Aux européennes et législatives, les militant·es de la GES se sont investi·es loyalement dans la campagne de la FI, puis du NFP. L’ouverture de leur part vers le NPA n’est venue que face à la menace d’une purge des militant·es de la GES. La GES voulait les rencontrer et souhaitait qu’iels forment un cadre « unitaire » local regroupant la GES et le NPA. Avant tout engagement dans des actions et dans un cadre unitaire, le comité 10e a formulé des propositions de dialogue pour voir sur quoi iels étaient d’accord, et sur quels points.
Le choix a donc été fait d’initier des discussions avec la GES sur des questions stratégiques, mais aussi sur des sujets clivants comme la Palestine en leur faisant des propositions d’actions. Il leur a ainsi été proposé de monter un comité Urgence Palestine, cadre qui est aujourd’hui le plus dynamique, et doté d’une charte à laquelle les comités doivent adhérer. Le débat théorique a alors été renvoyé au niveau national, l’idée d’un comité Urgence Palestine local a été refusée mais le comité NPA 10e a maintenu sa volonté d’agir dans ce cadre.
Les discussions sont depuis au point mort. En effet, les enjeux ont diminué pour les camarades de la GES puisque leur dernier congrès n’a pas abouti sur une scission.
De l’échec des forums anticapitalistes à la construction de « l’Alternative »
Il était juste, après la séparation, de chercher à discuter avec d’autres forces, d’autres militant·es. C’est ainsi que notre parti a initié les Forums Anticapitalistes. C’est dans ce cadre de discussion qui s’est maintenu malgré tout qu’a été rédigé un Manifeste pour une nouvelle force politique démocratique révolutionnaire et unitaire1 qui souhaite organiser une « assemblée constituante » à l’automne 2025 pour initier la construction d’une nouvelle organisation politique en 20262.
Par conséquent, si certaines discussions ont pu être de qualité, nous avons très vite constaté qu’aucune dynamique militante n’accompagnait ces initiatives. Nous n’avons pas pu nous lier par ce biais à de nouvelles générations militantes. C’était pourtant l’objectif qui avait été celui du « parti large » lorsque nous avons formé le NPA, et qui avait fondé sa légitimité : en l’absence de cette dynamique, elle est aujourd’hui contestable. Nous avons voulu refaire à froid, 14 ans plus tard, le lancement du NPA, mais la situation politique a changé depuis.
Si nous pouvons partager les éléments de diagnostic sur la situation, sur les oppressions, sur les travers et limites des organisations existantes, ainsi que nombre de revendications, d’autres problèmes se posent à nous à la lecture de ce Manifeste.
Ainsi, dans la partie « Quelle articulation entre réformes et révolutions ? »3, comment comprendre cette formulation « La mythologie du ‘‘Grand Soir’’ — l’idée d’un basculement soudain et total vers une nouvelle société — n’est plus tenable. La transformation sociale et écologique devra s’opérer par un long cheminement, combinant avancées institutionnelles et expérimentations populaires » ? Quelle orientation politique concrète ?
S’agit-il de partir à la conquête de positions dans les institutions lors des élections, qui, en France, se succèdent à un rythme quasi annuel ou bi-annuel ? S’agit-il dans le même temps, de construire des « îlots de socialisme », plus ou moins liés aux institutions, qui s’étendraient progressivement et finiraient par fusionner ?
Logiquement, le Manifeste rejette l’idée d’un parti basé sur « le centralisme démocratique »4 c’est-à-dire un parti qui combine liberté de discussion, délibération démocratique et unité d’action, pour agir et tirer les bilans ensemble. Il réclame en opposition un « droit de retrait et d’objection »4, c’est-à-dire un droit, par principe, à ne pas appliquer l’orientation politique décidée majoritairement.
Cela brise toute idée d’agir collectivement, et donc efficacement, puisque quelle que soit la discussion et la décision, des groupes peuvent choisir de mener la politique qu’ils veulent et comme ils le veulent.
La volonté de prioriser le consensus est plus que saine, mais réclamer une « base largement majoritaire »4 pour prendre la moindre décision revient de facto à paralyser toute l’activité de l’organisation. Au final, le projet d’organisation programmée dans ce Manifeste est celui d’un mouvement un peu gazeux, bien davantage un cercle de discussion où chacun·e vient faire son marché avant de retourner à son activité à part.
Il rappelle, paradoxalement, le NPA d’avant, avec ses fractions, sans homogénéité, ni politique, ni pratique collective.
Nous restons persuadé·es de la nécessité et de l’urgence d’un parti indépendant des réformistes, d’un parti révolutionnaire inclusif et démocratique. Si nous sommes attentives et attentifs à ne pas construire une secte ossifiée comme l’extrême gauche en est spécialiste, nous ne voulons manifestement pas construire le même type d’organisation que celui qui est proposé dans ce manifeste.
Construire le NPA, comme parti révolutionnaire inclusif et démocratique
Si l’objectif d’élargir la base de notre organisation demeure, puisque force est de constater qu’aujourd’hui, il n’y a ni dynamique, ni véritable partenaire pour ce dépassement, notre priorité doit être la poursuite de la reconstruction de notre organisation, marchant sur ses deux jambes, unitaire et révolutionnaire. Cela passera notamment par une politique volontariste d’implantation dans le monde du travail, dans les quartiers populaires et dans la jeunesse.
Cette dernière ne pourra faire l’économie d’une intégration réelle des questions LGBTI+, féministes, antiracistes, antivalidistes, indissociables de la lutte contre l’exploitation dans toutes nos élaborations et dans chacune de nos activités, et en particulier devant la menace de plus en plus directe de l’extrême droite.
Cela passera enfin par la mise en chantier d’un nouveau manifeste programmatique, distinct des défauts de celui de l’Alternative, prenant en compte la catastrophe écologique en cours.
Tels seront à nos yeux, en tant que membres de l’ex-PFA, une partie des enjeux de ce congrès.
* La plateforme A (PFA) s’était constituée lors du 5e congrès du NPA. À la suite de la séparation entre NPA-A et NPA-R, une majorité de l’ex-PFA a décidé de rejoindre le NPA-A en tant que tendance consitituée.
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