C’est un pays qui n’a « ni carte ni limites ». Samedi 19 mars, il va manifester dans le monde entier, contre le racisme et le fascisme, du Brésil à la Nouvelle-Zélande, des États-Unis à l’Afrique du Sud, de la Pologne à l’Espagne. À Paris il manifestera, venu de nos quartiers et nos villes, derrière les collectifs de sans-papiers et migrantEs de toutes nationalités, les comités de familles de victimes des violences policières et un cortège de solidarité internationale.
« Notre pays existe »
L’appel lancé par la Campagne Antiracisme et Solidarité à l’occasion des manifestations du 18 décembre dernier résonne encore plus fort aujourd’hui avec la guerre en Ukraine. « Notre pays construit des ponts pas des murs. Il ne fait pas la guerre si ce n’est au fascisme, au colonialisme, au racisme, à l’injustice et aux inégalités. Notre pays est en grand danger. Il doit sortir, se montrer, se lever. Vivre. » Ce samedi notre pays sera ukrainien en solidarité avec la population sous les bombes. Et il sera russe en solidarité avec celles et ceux qui se dressent contre la guerre.
« Notre pays existe » dit l’appel. Comme pour le Soudan, la Libye ou l’Afghanistan, la solidarité populaire qui s’exprime sur l’Ukraine nie tous les discours dominants racistes et nationalistes. De Toulouse à Rennes ou Rouen, les événements organisés dans le cadre de la Campagne ont été des succès, comme l’avait été la journée Commémor’action du 6 février dernier en hommage aux migrantEs mortEs sur les routes de la migration. Mais c’est aussi le cas de la mobilisation à Montreuil et dans les quartiers du 18e ou du 20e à Paris, où se sont rejoints collectifs de sans-papiers, collectifs féministes, syndicalistes de la CGT, de Solidaires, de la CNT. Le jeudi 10 mars la Bourse du travail de Paris a fait salle comble pour un meeting de soutien aux grévistes sans-papiers. À la veille du 19 mars il y a désormais 400 organisations qui ont signé l’appel !
Hypocrisie raciste
Le gouvernement s’organise pour accueillir 100 000 réfugiéEs d’Ukraine, avec une carte renouvelable, la scolarisation immédiate des enfants, le droit au logement, à la santé, au travail. C’est donc possible ! C’était donc déjà possible hier pour éviter les milliers de mortEs aux frontières. Rien ne justifie donc que ce ne soit pas possible dès maintenant pour les MalienEs, les SoudanaisES, les AfghanEs, les TunisienNEs… Rien ne justifie le blocage de la régularisation des sans-papiers en grève depuis octobre sur trois sites de la région parisienne. Rien ne justifie les centres de rétention ou la répression des cinq camarades sans-papiers qui avaient manifesté à Montpellier contre le sommet France-Afrique.
Rien ne justifie… sinon l’hypocrisie raciste, cette autre face du nationalisme et de l’impérialisme. Là où nous avons besoin de plus de solidarité internationale, de plus de justice, la France et l’Union européenne ne cessent de renforcer leurs murs et la militarisation de leurs États.
Emmanuel Macron illustre actuellement toute la logique que dénonce l’appel de la campagne. S’appuyant sur une posture de chef de guerre, il démontre que l’unité nationale est une unité qui se construit contre toutes nos luttes, contre toute notre classe. À Calais, malgré le soutien des jeunes du quartier (ou à cause de lui) un hélicoptère du RAID a été envoyé pour expulser un logement vide occupé par des activistes le 6 février pour héberger les migrantEs. Des collectifs de solidarité avec la Palestine viennent d’être interdits par le ministère de l’Intérieur à la demande du président. À Paris, un patron sous-traitant de l’entreprise où des sans-papiers sont en grève vient de licencier un camarade régularisé récemment suite à son intervention au meeting de soutien des grévistes.
Guerre de classe
Oui, c’est une guerre de classe : pas de hasard si le président-candidat des riches annonce maintenant qu’il repoussera l’âge de la retraite. Comme le dit l’appel : « Les arguments utilisés contre l’immigration sont faux économiquement et ne servent qu’à justifier les mesures qui amplifient monstrueusement le racisme et les inégalités sociales. »
Ce qui se passe autour de l’Ukraine est une accélération autour d’ingrédients qui étaient déjà présents, une dangereuse escalade. Escalade vers plus de militarisme, plus de nationalisme et de racisme, moins de libertés et plus d’inégalités. Avec tous ses monstres anciens en embuscade, guerre et fascisme.
Voilà l’enjeu du 19 mars. Pas une fin. La démonstration qu’il existe une autre voie, à creuser, à construire, celle de la solidarité, solidarité de classe, solidarité internationale, contre le racisme et le nationalisme, contre le recul des libertés et l’État policier. Une voie à faire vivre dans tous nos quartiers, dans nos lieux de vie et de travail. Une solidarité de lutte qui a besoin de montrer qu’elle existe et qu’elle peut être forte, qu’elle pourrait gagner.
Pour éviter les redites dramatiques de l’histoire.