Extrêmement discret pendant la campagne électorale sur les questions touchant aux politiques qu’il entend mener en direction des sans-papiers et des migrantEs, il aura fallu une simple « blagounette » digne d’un crétin du Front national pour qu’Emmanuel Macron nous édifie. « Le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien »...
Tout est dit, le cynisme et la morgue colonialistes sont étalés dans toute leur horreur ! On sous-entend que les barques de pêcheurs ne sont en réalité pas destinées à ramener du poisson, mais une autre sorte de marchandise : « du comorien ». Marine Le Pen, l’ultra raciste présidente du Front national, peut même se payer le luxe d’épingler son adversaire de la présidentielle : « On ne dit pas ’’du Comorien’’, on dit ’’des Comoriens’’ » (sic !). Une déshumanisation totale qui nous rappelle les pires temps de l’esclavage, et jette un doute sur la sincérité de Macron qui, lors d’une récente visite à Alger, avait déclaré, la main sur le cœur, que la colonisation avait bien été un crime contre l’humanité...
Depuis 1995, 12 000 Comoriens – hommes, femmes et enfants – sont morts noyés en tentant de rejoindre Mayotte sur des kwassa-kwassa. 70 kilomètres d’une traversée difficile sur de frêles embarcations pour atteindre un supposé El Dorado. Et ça vous fait rire, monsieur Macron ? En 2015, 4 378 CommorienEs mineurs isolés ont été détenus à la prison de Majicavo, contrevenant totalement au droit international. Pour ces faits, la France a d’ailleurs fait l’objet d’une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme... Et ça vous amuse, monsieur Macron ?
L’ambassadeur de France en Union des Comores a été convoqué dimanche par le ministre des Affaires étrangères à Moroni, et un rassemblement des Comoriens en France s’est tenu lundi à Paris sur le parvis des Droits de l’homme. L’indignation, qui a pourtant fait le « buzz » sur les réseaux sociaux, n’a été que peu reprise par les grands médias, attachés à la promotion d’un président jeune, dynamique, sachant parler aux grands de ce monde... En auraient-ils fait de même s’il s’était agi d’un débordement raciste proféré par Trump ? Il est permis d’en douter.
L’Élysée tarde à exprimer des excuses publiques exigées par le Conseil représentatif des Français d’origine comorienne. On admet tout juste « une plaisanterie pas très heureuse »...Ces excuses, si elles venaient à s’exprimer, ne suffiraient pas à traduire les revendications nationales du peuple comorien. Mayotte fait partie intégrante de l’Union des Comores, et les migrantEs doivent donc y être accueillis inconditionnellement, puisqu’ils sont chez eux !
Les anticapitalistes et anticolonialistes ne peuvent qu’exiger avec les Comoriens migrant vers Mayotte le droit de circulation et d’installation, l’arrêt de la répression et des mises en détention illégitimes, le respect du droit international et des dispositions de la Cour européenne des droits de l’homme. Autant de revendications d’une actualité brûlante, et pas seulement là-bas...
Alain Pojolat