«Les personnes identifiées comme noires et arabes font l’objet de biais et de pratiques discriminatoires d’ordre systémique dans le cadre de leurs relations avec les forces de l’ordre. » Quel est donc le collectif « communautariste » et/ou « séparatiste qui a osé écrire cette perfidie ? Il s’agit en réalité du très « républicain » Défenseur des droits qui, dans un rapport rendu public le lundi 22 juin (« Discriminations et origines : l’urgence d’agir »), affirme que « les personnes d’origine étrangère ou perçues comme telles sont désavantagées dans l’accès à l’emploi ou au logement et plus exposées au chômage, à la précarité, au mal logement, aux contrôles policiers, à un état de santé dégradé et aux inégalités scolaires » et que ces discriminations ont « [une] dimension systémique dans la société française ».
Des objets de discussion légitime
Si, pour le mouvement antiraciste, ces constats n’ont rien de nouveau, le moins que l’on puisse dire est que le rapport présenté par Jacques Toubon ne cadre guère avec les discours officiels, a fortiori ceux de ces dernières semaines, qui nient toute forme de « racisme systémique » en France et donc toute responsabilité institutionnelle dans la perpétuation des discriminations racistes.
Cette dimension institutionnelle du racisme fait partie des thématiques qui ont été imposées par les mobilisations contre le racisme et les violences policières, dont le caractère massif et éminemment politique a sérieusement perturbé l’agenda « post-confinement » du gouvernement. Dans le débat public, on emploie ainsi des mots dont l’usage était en général limité aux cercles antiracistes, ce qui constitue une première victoire de la mobilisation. Car, quand bien même ces mots seraient encore décriés, ils s’imposent petit à petit comme étant un objet de discussion légitime.
D’autres questions posées par la mobilisation actuelle, en France et au niveau international, se sont elles aussi invitées. Elles ne sont pas nécessairement ouvertement formulées par les manifestantEs ou les organisations, mais elles sont bien présentes et alimentent les discussions. Nous avons choisi, dans ce dossier, d’en traiter trois, sans présumer qu’elles épuiseraient les débats actuels et, cela va sans dire mais cela va mieux en le disant, sans prétendre qu’elles résumeraient l’ensemble des dimensions du racisme, des racismes, et de la lutte antiraciste.
La première d’entre elles est celle de la part de l’héritage colonial dans les mécanismes de discrimination raciste en France. La deuxième question est celle de la confusion, savamment entretenu par les autorités, entre mémoire et histoire, qui tente de délégitimer et neutraliser toute discussion sur la façon dont la France continue de célébrer son passé colonial. Enfin, la troisième question est celle de l’existence d’un racisme d’État, dont la négation par la quasi-totalité du champ politique montre l’ampleur du chemin qui reste à parcourir.