Publié le Vendredi 16 décembre 2022 à 12h00.

Une fascisation en cours ?

« Qu’il(s) retourne(nt) en Afrique ! ». L’invective raciste fuse depuis les rangs du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale, alors que le député LFI Carlos Martens Bilongo, d’origine congolaise et angolaise, pose une question sur l’immigration en Méditerranée.

Après la déclaration de José Gonzales, député RN, doyen de ladite assemblée, inaugurant sa 16e législature par une ode à l’Algérie française, une extrême droite française s’affirme de façon de plus en plus provocatrice : racisme et colonialisme mêlés s’alimentent pour exalter la grandeur d’une nation française, essentialisée, fièrement blanche, qui serait en déclin, menacée par ses immigrations passées et une prétendue « submersion migratoire » présente. Celles issues précisément des anciennes colonies, toujours sous emprise et surexploitation impérialistes, qui sont les causes principales, avec les désastres climatiques et environnementaux, des migrations.

Politique systémique qui tue des migrants aux frontières de l’Europe

L’invective raciste du député RN Grégoire de Fournas à l’Assemblée nationale a suscité une vague d’indignations. Sincères le plus souvent, elle sont plus que suspectes venant de partis qui défendent et/ou mènent sciemment une politique systémique qui tue par milliers des migrantEs aux frontières de l’Europe. Gérald Darmanin, le cynique, en concurrence permanente avec l’extrême droite, qui durcit régulièrement les circulaires et lois racistes contre l’immigration des précédents gouvernements, a même réclamé la démission de l’Assemblée de Grégoire de Fournas !

Tout est en place pour une politique brutalement répressive

L’extrême droite fait de la surenchère raciste. Si elle peut se permettre de s’afficher plus résolue tout en jouant la carte de la « respectabilité », c’est grâce aux politiques anti-migratoires que les gouvernements néolibéraux — de droite comme « de gauche » — ont développées depuis des décennies banalisant un racisme, aujourd’hui à dominante islamophobe et négrophobe. L’immigration stoppée ou choisie (qui a la préférence d’une partie du patronat) réclamée par les Zemmour et autres Le Pen, est déjà en place. Tout comme est en place — et souvent sous prétexte de lutte contre le « terrorisme islamiste » — une politique brutalement répressive dans les quartiers populaires et d’immigration livrés aux forces policières largement gangrenées par le racisme et le fascisme. Nul doute qu’au pouvoir, les fascistes feraient pire. D’un racisme d’État on passerait à un État raciste mettant en œuvre une épuration de tout ce qui mine la nation : les personnes racisées mais aussi le mouvement ouvrier et toute forme de démocratie. Ce passage est préparé — idéologiquement, juridiquement, institutionnellement, matériellement — par les politiques de gouvernements qui osent encore se prétendre « démocratiques » !

Ces gouvernements au service du capital, loin d’être un rempart contre le fascisme, ne font que lui paver la voie, y compris par leur politique antisociale qui jette des millions de travailleurEs dans la paupérisation et le désespoir instrumentalisé par l’extrême droite. L’urgence est dans la construction d’une alternative politique rompant avec ces politiques antisociales, autoritaires et racistes — avec le capitalisme.

Une telle alternative ne pourra se construire que si elle prend la mesure de la fascisation en cours et du danger. Et si elle prend en charge la lutte contre le fascisme et ce qui en constitue le cœur : le racisme et le nationalisme impérialiste qui s’entretiennent l’un l’autre, et contre toutes les formes d’oppression générées par le capitalisme. Une lutte trop longtemps – et aujourd’hui encore – considérée dans le mouvement ouvrier, y compris dans une gauche qui se veut révolutionnaire, comme secondaire, voire comme une diversion de la « lutte de classe ». Construire une telle alternative passe dès aujourd’hui par réaliser des unités d’action du mouvement ouvrier/social et par se battre aux côtés des migrantEs et des habitantEs des quartiers populaires et d’immigration qui ont déjà un avant-goût de ce que pourrait être la terreur fasciste.