L’objectif « neutralité carbone » d’ici 2050 du gouvernement implique de faire passer la production d’électricité solaire de 12 GW en 2021 à 48 GW en 2028. Dans le viseur, l’agrivoltaïsme qui préconise d’installer des panneaux photovoltaïques dans les champs et terres agricoles.
Bien que la loi interdise de transformer l’usage des terres agricoles qui doit servir à la production alimentaire, le danger de voir les campagnes se couvrir de panneaux au détriment des cultures vivrières est bien là.
L’agrivoltaïsme, c’est moderne, ça rapporte
Le procédé consiste à installer des panneaux photovoltaïques près du sol, en rangées, pour laisser passer les engins agricoles. Soit des structures pouvant offrir de l’ombre à des animaux, soit en hauteur, au-dessus des cultures, permettant ainsi une protection contre le gel, la grêle, les coups de chaleur. Avec l’intelligence artificielle, les panneaux seraient orientables suivant les moments de la journée. Ainsi en est-il des arguments des promoteurs. Cela n’est pas sans risques !
Et notamment à propos de la question : nourriture ou énergie ? D’après l’Ademe, 15 % du photovoltaïque proviennent des terres agricoles, soit 10,4 GW en 2020. L’État prévoit d’obtenir 20,1 GW fin 2023, 48 GW en 2028.
Mais aussi, au sujet de la spéculation foncière. Le loyer versé par les entreprises d’énergie peut être 10 fois plus élevé que ce que peut rapporter la location des terres à un exploitant (fermage). Dans un secteur où 18 % des ménages d’agriculteurs sont sous le seuil de pauvreté (Insee 2021) le risque de consacrer la terre à produire du courant existe. Avec la diminution, année après année des surfaces cultivées, la pérennité du métier de paysanE se pose. D’après la Cour des comptes, 282 000 hectares de surface agricole ont disparu entre 2010 et 2018.
Et même sur la diminution de la production agricole. En particulier du maraîchage. D’après un contrôle de la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) des Pyrénées orientales en 2018, sur les 60 serres construites et équipées de panneaux photovoltaïques à l’époque, « les deux tiers ne présentaient soit aucune activité agricole, soit une activité réduite ».
Enfin, le manque de recul empêche d’évaluer les impacts sur la biodiversité. « Les sols vivants stockent le carbone et retiennent l’eau. Même sans plot de béton, les travaux pour installer 35 000 panneaux et pour la création des infrastructures sont extrêmement invasifs », prévient Terres libres de Bretagne. Fabien Balaguer de l’Association française d’agroforesterie explique : « avec un arbre vous avez une ombre froide et humide et avec un panneau vous avez une ombre sèche et chaude… avec des arbres on peut avoir plus de résultats et surtout à plus long terme. »
L’agrivoltaïsme, fausse solution
L’agrivoltaïsme actuel comporte trop d’inconvénients sociaux et environnementaux. L’énergie doit relever d’un service public, fondé sur les énergies renouvelables, démocratiquement géré plutôt que d’être aux mains de groupes privés et de fluctuer heure par heure sur le marché. L’agrivoltaïsme est une production du capitalisme vert. Pour répondre aux besoins, d’autres solutions existent : friches industrielles, ombrières sur les parkings, toitures des bâtiments commerciaux, administratifs ou agricoles.
Si la Confédération paysanne appelle à un moratoire sur l’installation des méthaniseurs comme pour l’agrivoltaïsme c’est bien parce que l’industrialisation à marche forcée des énergies renouvelables saborde toutes les formes d’écosystèmes énergétiques, gérant, produisant et consommant localement