Il serait illusoire de mesurer les effets nocifs de cette industrie dans le périmètre de son activité directe, sans tenir compte de l’usage des matières fabriquées.
Ainsi prenons l’exemple de la production d’engrais azotés : cette industrie est fortement consommatrice d’énergie et sa contribution à l’effet de serre est déjà, aux bornes des usines, gigantesque. De plus, c’est une industrie dangereuse, comme l’a montré l’explosion de AZF à Toulouse en 2001.
Suivons-en l’usage jusqu’au bout... L’épandage d’engrais azotés est le principal contributeur de l’agriculture française à l’effet de serre. Une partie de l’azote répandue dans les champs n’est pas utilisée par les plantes, mais se transforme en oxyde nitreux, 200 fois plus puissant que le gaz carbonique, qui s’évapore dans l’atmosphère. L’épandage d’engrais azoté est indispensable pour la monoculture de céréales (Île-de-France, Sud-Ouest...). Cette production fournit des aliments pour les élevages industriels qui sont concentrés dans d’autres régions, comme la Bretagne où l’excès d’épandage dans les champs de lisiers venus des élevages entraîne un excès de nitrates dans l’eau.
Le résultat, c’est l’empoisonnement des humains, de la faune et de la mer en nitrates qui, s’ils étaient répandus raisonnablement sur des cultures, remplaceraient avantageusement les engrais azotés issus de l’industrie chimique. Dit autrement, les engrais azotés de l’industrie chimiques, après avoir contribué à l’émission de gaz à effet de serre lors de la fabrication, émettent les redoutables oxydes nitreux lors de l’épandage en zone de monoculture, continuent leur route sous forme d’aliments qui vont nourrir les porcs et les poulets – en Bretagne ou ailleurs – et finissent leur vie sous forme de nitrates en excès dans l’eau. Sans compter les transports. Bref, pollution à tous les étages !
Automobile, alimentation, vêtements...
À l’opposé de cette agro-industrie qui détruit l’air, le sol, l’eau, la vie, on pourrait concevoir une agriculture qui, combinée à l’élevage et à des rotations de cultures, préserverait notre santé, ferait vivre plus de paysans, serait moins émettrice de gaz à effet de serre et de polluants divers. Pour cela, il faudrait développer ce raisonnement à chaque filière de l’industrie chimique.
Ainsi, sa contribution à l’automobile est indissociable d’un mode de transports qui est loin d’être le seul possible. Sa contribution à l’alimentation (colorants, goûts artificiels, émulsifiants, emballages) est indissociable de la malbouffe, elle-même liée aux multinationales de la distribution et de l’agroalimentaire. La production de vêtements, dont la majeure parties est fabriquée à partir de composés chimiques artificiels (polyamides, polyesters, colorants ..), peut être observée sous l’angle destruction permanente d’objets, de l’obsolescence programmée : mauvaise qualité, abandon rapide dû à la mode et aux prix (parfois scandaleusement bas), le tout sur fond de délocalisation vers des pays à bas coût de main-d’œuvre... et de faible contrainte écologique.
Pas plus que la contribution à l’effet de serre de la chimie ne peut être mesuré aux bornes de cette industrie, l’effet de serre lui-même ne peut pas être séparé des autres effets dévastateurs en termes de pollution, de santé, d’environnement, de conditions de travail.