La loi El Khomri regorge de mesures pro-patronales : deux exemples avec le CPA et la création d’un droit à renseignement en droit du travail pour les patrons.
Parmi ces mesures figure le compte personnel d’activité (CPA), qui vise à regrouper les droits acquis par les salariéEs au cours de leur carrière au moyen d’un gigantesque fichier informatisé...
Du statut à l’individu : les salariéEs désarmés
Dans la loi travail, le CPA se contente de fusionner les comptes « formation » et « prévention de la pénibilité ». De prime abord, l’idée de permettre aux salariéEs de conserver des heures de formation en cas de changement d’emploi ou d’avoir un suivi de l’exposition à la pénibilité sur toute la vie peut sembler constituer une avancée. La CGT y voit d’ailleurs les prémices du « nouveau statut du travailleur salarié » qu’elle revendique.
La communication gouvernementale suffit cependant à se persuader du contraire : le postulat est que l’emploi à vie est terminé, que les carrières alternent CDI, CDD, chômage… et surtout que les politiques publiques n’y peuvent rien car telle est la loi du marché... Nul n’est besoin d’empêcher les patrons de recourir à l’emploi précaire ou de licencier : grâce à son « sac à dos » CPA, tout salariéE pourra butiner d’un emploi à l’autre. Le CPA veut ainsi doter chaque individu d’un « capital social », lui donner l’illusion qu’il sera, seul, mieux armé face au capital tout court. Mais ce ne sera en réalité qu’un nouvel outil d’institutionnalisation de la précarité.
à terme, le gouvernement prévoit d’intégrer dans le CPA « l’ensemble des droits sociaux et de la protection sociale » (retraite, chômage, assurance-maladie). Le CPA est donc la coquille destinée à accueillir la protection sociale par capitalisation, un nouveau coup porté au principe de la répartition. Dans les projets les plus raffinés, le CPA existera sous forme d’euros ou de points fongibles, permettant ainsi que convertir un peu de sa future retraite en temps de formation. Si on met en relation le CPA avec l’affaiblissement des conventions collectives au cœur du projet de loi travail, on tient la cohérence du nouveau dispositif : la fin de l’attachement des droits aux statuts collectifs pour les centrer sur la personne et l’allègement des obligations des patrons découlant de ces statuts.
Accès au droit et contrôle : les patrons aux petits oignons
En donnant systématiquement les possibilités d’accords d’entreprise dérogatoires, le gouvernement veut aussi affaiblir le contrôle des entreprises et l’accès au droit pour les salariéEs.
La multiplication espérée des accords, au détriment de la loi, va rendre plus difficile encore le renseignement des salariéEs. La réduction des dispositions légales va aussi réduire le champ des contrôles, accélérant ainsi le dépérissement d’une inspection du travail déjà durement touchée par les suppressions de postes.
Le code du travail prévoit en effet des sanctions pénales pour les patrons qui commettent des infractions aux obligations résultant d’une loi ou d’un décret, des infractions que les agents de l’inspection du travail peuvent relever par procès-verbal transmis au parquet. Mais, hormis les infractions au paiement des salaires minimaux de branche, cette prérogative n’est pas étendue aux accords de branche et d’entreprise. La loi travail ne le prévoit évidemment pas…
Quant au méconnu article 28 de la loi, il instaure pour les patrons un droit à obtenir de l’administration, à travers des services dédiés, une « information personnalisée » dans des « délais raisonnables », et donc une possibilité pour eux de se retourner contre l’État s’ils ne l’obtiennent pas. Pendant ce temps, les services de renseignement aux salariéEs de l’inspection du travail sont surchargés et en sous-effectif partout en France, au point que certains doivent fermer certains jours, et il faut parfois attendre longtemps pour espérer avoir un rendez-vous avec unE agent de contrôle. Peut-être le meilleur exemple du cynisme gouvernemental, dans une loi qui n’en manque pourtant pas !
Comité inspection du travail Île-de-France