Les annonces de licenciements tombent par paquets entiers, de grands groupes décident de se passer de certains établissements et de leur personnel. Les travailleurEs ont souvent le sentiment d’être dans des situations particulières mais, en réalité, il s’agit d’une offensive globale du patronat et de son gouvernement.
Le gouvernement au service du patronat
« Il ne faut jamais gaspiller une crise importante. C’est une opportunité pour faire des choses que vous pensiez ne pas pouvoir faire avant. ». Cette phrase est de Rahm Emmanuel, ancien conseiller d’Obama et figure de l’aile droite du parti démocrate US. C’est ce scénario qui est en train de se jouer.
Certes, des artisans, petits commerçants et PME ont de vraies difficultés liées en grande partie à la pandémie, mais la situation est tout autre pour les grands groupes qui ont accumulé les bénéfices et peuvent attendre la reprise qu’ils espèrent d’autant plus fructueuse que pleuvent les aides de l’État. Et les dernières déclarations de Macron montrent qu’il ne renonce à rien, ni à la réforme de l’assurance chômage, ni à celle des retraites, ni à sa politique fiscale (la Convention citoyenne pour le climat s’est faite sèchement rembarrer quand elle a osé suggérer une surtaxe sur les dividendes) ! Rien ne doit fondamentalement changer dans la politique suivie et, au contraire, la crise est une opportunité pour accélérer la casse sociale. Au moment où le chômage et les destructions d’emplois explosent, Macron dénonce une « préférence française pour le chômage » et parle de plans sociaux « généreux ». Et pour la suite, il faudra travailler plus et plus longtemps…
Des restructurations programmées
Malgré les déclarations larmoyantes sur les effets de la pandémie et sur la crise économique (qui est par ailleurs une réalité), beaucoup des plans de liquidation d’emplois ne sont pas liés au Covid-19. Mais aucune raison pour le patronat de ne pas profiter de la bénédiction présidentielle. Le PDG d’Air France, Ben Smith, ne cache pas ses objectifs « Tout ce que les précédents dirigeants n’ont pas été capables de faire, il faudra que ce soit moi qui le fasse ». Ainsi, l’État avait garanti un prêt de 7 milliards à Air France, à quoi s’ajoute un plan de relance pour le secteur aéronautique, mais Air France va supprimer 7 500 emplois.
L’État annonce une aide de plusieurs milliards à Renault et un plan de soutien à l’automobile. Quelques jours plus tard, Renault annonce la suppression de 15 000 emplois, dont 4 600 en France, ainsi que la fermeture de plusieurs établissements. Le gouvernement, pourtant actionnaire de l’entreprise, se contente de chipoter sur les modalités sans remettre en cause le plan de casse lui-même. Renault prétend tirer les leçons des « surcapacités » héritées de l’ère Carlos Ghosn. Quand on descend au niveau des établissements, on voit des décisions uniquement financières : comme le dénonce la CGT du centre technique de Lardy (91), de telles coupes dans les effectifs et les moyens d’essais de leur établissement, cela signifie à la fois des conditions de travail dégradées et la renonciation à travailler sur l’innovation.
PSA, Sanofi, Nokia, Airbus…
PSA s’attaque de son côté aux conditions de travail en généralisant les « prêts de personnel » et le télétravail, et engage elle aussi des suppressions d’emplois, à commencer par les intérimaires.
Emmanuel Macron se rend dans une usine Sanofi de Lyon pour annoncer un soutien à la relocalisation de l’industrie pharmaceutique et à la recherche. Quelques jours plus tard, Sanofi annonce des suppressions d’emplois : 1 700 en Europe, dont 1 000 en France. Le nouveau directeur général du groupe, le britannique Paul Hudson, avait annoncé dès décembre 2019, soit trois mois après son arrivée, vouloir économiser deux milliards d’euros d’ici à 2022 avec notamment un désengagement dans le diabète et le cardiovasculaire au profit de l’oncologie. Et Sanofi n’a pas renoncé au versement de quelque 4 milliards d’euros de dividendes en 2020 !
Du côté des grands groupes, les annonces macabres se succèdent. Airbus va supprimer 15 000 postes dans le monde, dont 5 000 en France, et les sous-traitants de l’aéronautique lui emboîtent le pas. Nokia veut se débarrasser de 1 233 employéEs de sa filiale française, l’ex-Alcatel racheté en 2015, alors qu’il n’y a pas eu d’arrêt des activités pour cause de Covid-19 : un plan social « purement financier », comme l’a déclaré un délégué syndical CFDT.
Du côté d’Airbus et d’Air France, en revanche, l’impact du Covid est indéniable. Mais est-ce aux salariéEs de payer les pots cassés de la politique de dirigeants, aventureuse et fondée sur l’anticipation d’une croissance soutenue et éternelle de l’aérien ? Il s’agit de restaurer les profits et les dividendes des actionnaires au lieu de réduire le temps de travail et de mettre à l’étude des productions alternatives et écologiques.
Construire les ripostes
On pourrait multiplier les exemples. Et les concessions qu’avaient pu auparavant accepter les salariéEs croyant préserver leurs emplois comptent aujourd’hui pour du beurre. Ainsi, les salariéEs de l’usine du groupe Daimler de Hambach (Moselle) avaient approuvé lors d’un référendum consultatif en 2015 le « Pacte 2020 », qui prévoyait le retour à 39 heures de travail hebdomadaire, payées 37. En mai 2018, Daimler avait annoncé qu’il investirait 500 millions d’euros à Hambach pour y produire son premier modèle de marque Mercedes, un SUV électrique compact. Tout cela s’est envolé.
Pour le patronat et le gouvernement, il s’agit clairement de monter de plusieurs crans dans l’offensive anti-ouvrière engagée depuis des années. Peu importe la casse sociale, peu importe la ruine des territoires.
Certes, la mobilisation contre cette politique doit commencer par se construire entreprise par entreprise, voire établissement par établissement pour s’opposer aux suppressions d’emplois, réduire le temps de travail sans perte de salaire pour permettre à tous et toutes de continuer à travailler. Mais face à une offensive centralisée et cynique, la coordination des ripostes devrait être à l’ordre du jour.