Le titre du dossier de presse de la réforme du code du travail annoncée ce 4 novembre 2015 résume à lui seul le programme du gouvernement...
L’objectif de conciliation de classe est clairement assumé : « il s’agit d’instaurer dans notre pays une vraie culture de la négociation, de sortir des logiques d’affrontement ». Pour le vernis social, le gouvernement explique qu’il faut adapter les protections des salariéEs aux mutations du marché du travail, comme si celles-ci n’étaient pas provoquées par ses propres lois facilitant précarité, flexibilité et licenciements...
Pour cela, il faut en finir avec un code du travail, construit au gré des conquêtes et reculs de la classe ouvrière, comme la source première de limitation du pouvoir patronal ; achever la fin du principe de faveur voulant que les accords octroient des protections supplémentaires aux salariéEs ; brider les revendications par le recours multiplié à la négociation à froid.
Un moyen d’imposer les décisions patronales
Le gouvernement annonce une refonte totale du code du travail d’ici 2018, divisé en trois parties :
– les dispositions « impératives » auxquelles aucun accord ne pourra déroger ;
– les champs ouverts à la négociation de branche ou d’entreprise ;
– les dispositions « supplétives » s’appliquant à défaut d’accord (et donc susceptibles de dérogation négociée).
Le travail sera confié à une mission présidée par Robert Badinter, lequel se défendait pourtant cet été d’agir en service commandé lors de la publication du livre co-écrit avec Antoine Lyon-Caen…
Le flou est entier sur le contenu des dispositions « impératives ». Le gouvernement cite le SMIC et la durée légale du travail, mais seulement à titre d’exemple. Aucun verrou n’est véritablement posé, pas même sur la santé et la sécurité au travail.
Le gouvernement n’indique pas non plus que la réécriture se ferait à droit constant. Rien ne garantit donc que les dispositions « supplétives » reprennent d’actuelles dispositions protectrices. Enfin, la généralisation de l’accord dérogatoire combinée au chantage à l’emploi, donnera au patronat les coudées franches pour démanteler les protections sectorielles. La négociation sera de moins en moins une façon d’améliorer les droits légaux, et de plus en plus un moyen d’imposer les décisions patronales.
Une première loi pour le début 2016
En définissant un programme sur deux ans (au lieu des quatre proposés par le rapport Combrexelle sur lequel il s’appuie), le gouvernement fixe la feuille de route de celui qui suivra en 2017, qu’il soit de gauche ou de droite. Pour donner des gages de sa bonne foi, il prévoit une première loi pour le début 2016, en cohérence avec le lancement du compte personnel d’activité.
Celle-ci définira le « socle fondamental » du droit du travail (dont la forme et le contenu seront fixés par une formation restreinte de la mission Badinter) et des premières mesures sur la durée du travail, les repos et les congés : extension des heures complémentaires pour les temps partiels, abaissement de la majoration des heures supplémentaires par accord, durée maximale hebdomadaire de travail portée à 60 heures sur trois semaines sans autorisation administrative…
Pour le Medef, une « opportunité historique »
D’ici deux ans, le lobbying patronal sera intense. Le Medef presse déjà. Tout en saluant une « opportunité historique », il exige un champ de négociation collective le plus large possible, estimant que la loi prévue en 2016 ne va pas assez loin et demande la fin du CDI. La CGPME réclame la validation des accords par référendum et des garanties sur la négociation de branche (dont le nombre sera drastiquement réduit) afin de préserver les TPE/PME de toute présence syndicale.
Car ce n’est pas la liberté de négocier à tout prix qui intéresse le patronat, mais bien la réduction des protections au minimum nécessaire à la reproduction du capital. La nouvelle architecture du code du travail est en parfaite adéquation avec cet objectif, et c’est pourquoi tout dialogue avec le gouvernement qui la met en œuvre est vaine.
Ce sera l’un des enjeux de la bataille unitaire qui s’engage que de prouver que le code du travail n’est pas qu’un nombre de pages, mais que c’est bien la vie quotidienne des salariéEs qui va être bouleversée.
Comité Inspection du travail-Pôle emploi Ile-de-France