En 1918, Pierre Hamp, inspecteur du travail, dénonçait la discrimination salariale à l’égard des femmes travaillant dans les usines de guerre, qui percevaient, pour le même travail, un quart de salaire en moins que les hommes : « Quand cela sera devenu un préjugé démenti par la réalité, la femme en subira encore les conséquences. Son travail deviendra égal à celui de l’homme, bien avant son salaire1 »...
La notion de salaire féminin a disparu avec l’arrêté Ambroise Croizat de 1946 qui a abrogé tous les abattements légaux sur les salaires féminins. Pour autant, le salaire des femmes reste aujourd’hui encore inférieur à celui des hommes, dans le privé comme dans le public. En France, les femmes gagnent globalement, tous emplois confondus, 27 % de moins que les hommes2. Elles doivent travailler près de trois mois de plus pour atteindre la rémunération annuelle moyenne des hommes.
Bien que les femmes sont amenées, de plus en plus souvent, à subvenir seules à leurs besoins et à ceux de leurs enfants, le stéréotype du salaire d’appoint reste vivace.
Des lois inutiles ?
De nombreuses lois sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ont été adoptées depuis 1946. Encore très récemment, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes prévoit une négociation annuelle sur les objectifs d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. Alors pourquoi, malgré la multiplicité – pour ne pas dire l’empilement – de textes législatifs et réglementaires, les femmes continuent-elles à être payées un quart de salaire en moins ?
En premier lieu, ces textes sont peu ou mal appliqués. Depuis fin 2012, les entreprises de plus de 50 salariéEs sont tenues de négocier des accords ou de présenter des plans d’action afin de faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes en leur sein, sous peine de sanctions financières pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale. Or, le non-respect de cette obligation par les entreprises n’a donné lieu qu’à peu de sanctions. Seulement 48 entreprises ont été sanctionnées au cours des trois dernières années3. Et même lorsqu’elles ont conclu des accords, les entreprises se sont souvent contentées de satisfaire à l’obligation formelle de négocier sur l’égalité professionnelle. Beaucoup de ces accords sont des coquilles vides...
De plus, à défaut d’agir sur les facteurs à l’origine de cette inégalité salariale persistante, il est impossible d’y mettre fin et atteindre l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Aux origines de l’inégalité
La question du temps partiel subi par les femmes est centrale. Plus de 30 % des femmes travaillent à temps partiel contre 7,2 % des hommes. Le temps partiel, qui s’est développé avec le poids du travail domestique des femmes et la concentration des emplois à temps partiels dans des secteurs féminisés, pénalise les femmes.
De plus, en dépit de l’évolution de leur niveau de diplômes et de formations, les femmes n'ont accès qu'à une petite variété d’emplois, peu qualifiés, dans les secteurs des services (éducation, aide à domicile, santé, vente)4. Ces emplois, qui correspondraient aux aptitudes et compétences soi-disant naturelles des femmes, concentrent les bas salaires.
Enfin, les retards de carrière qu’accusent les femmes, toujours suspectes de maternité, par rapport aux hommes, ne sont pas négligeables. S’y ajoute le fameux « plafond de verre », avec la sous-représentation des femmes dans les postes à responsabilité.
Les luttes émancipatrices des dernières décennies ont permis des avancées importantes pour les droits des femmes au travail. Pourtant, toutes les caractéristiques traditionnelles du travail féminin n’ont pas disparu. Des batailles sont encore à mener pour, enfin, une égalité réelle entre les femmes et les hommes !
- 1. Pierre Hamp, « La main d’œuvre féminine. Le quart en moins », L’information ouvrière et sociale, 9 mai 1918, cité par Rachel Silvera dans son ouvrage Un quart en moins. Des femmes se battent pour en finir avec les inégalités de salaires, La découverte, 2014.
- 2. Les écarts de salaires nets mensuels privé et public par sexe et par secteur étaient en 2012 : – 19,2 % dans le secteur privé et semi-privé, – 14,8 % dans la fonction publique d’état, – 10,3 % dans la fonction publique territoriale, – 21,9 % dans la fonction publique hospitalière.
- 3. Cf. un communiqué du ministère des Affaires sociales du 26 mars 2015.
- 4. Plus de 50 % des femmes travaillent dans 12 familles professionnelles sur 87 : aides à domicile, aides ménagères et assistantes maternelles / agentes d’entretien / enseignantes / vendeuses / employées administratives de la fonction publique (catégorie C et assimilées) / aides-soignantes / infirmières, sages-femmes / secrétaires / cadres des services administratifs, comptables et financiers / professions paramédicales / employées administratives d’entreprise / techniciennes des services administratifs, comptables et financiers.