Les licenciements se multiplient dans le secteur privé, tandis que, dans les services publics, les suppressions de postes continuent. Pour les interdire et unifier la riposte, un collectif d’organisations syndicales organise une manifestation nationale le samedi 23 janvier 2021 à Paris, à l’appel des salariéEs du voyagiste TUI, touchés par un plan de 600 licenciements. Une démarche malheureusement ignorée par l’appel à la grève CGT-Solidaires-FSU du 4 février 2021.
L’appel des TUI répond à plusieurs problématiques majeures : rendre visible le sort de milliers de travailleurEs jetés dans le chômage, la précarité et la pauvreté ; rompre l’isolement et lutter ensemble ; refuser de devoir se borner à négocier un meilleur plan social ; se battre sur des revendications offensives contestant le pouvoir du patronat et de l’État. L’appel à manifester, signé par des syndicats de base CGT ou SUD, par la fédération SUD-PTT, par l’union syndicale Solidaires et par l’union départementale CGT des Hauts-de Seine, porte donc le mot d’ordre d’interdiction des licenciements et des suppressions de postes dans le privé comme dans le public : une première depuis deux décennies et la manifestation des LU en 2001.
Les organisations qui appellent à manifester savent bien que les luttes ont du mal à percer dans les boîtes et secteurs concernés et qu’il en faudra plus avant que n’émerge un véritable plan de bataille. Mais il était vital d’agir au moment où les médias et le gouvernement se focalisaient sur les difficulté des petitEs commerçantEs et où les confédérations syndicales, promptes à aller négocier avec le patronat sur le télétravail, ne proposaient strictement rien.
Si l’appel à la grève interprofessionnelle le 4 février prochain rectifie le tir, en affirmant s’appuyer sur les mobilisations sectorielles de janvier dans l’éducation, l’énergie ou la santé, il fait pourtant l’impasse sur la manifestation du 23 janvier. La mise à l’écart d’une initiative émergeant de salariéEs licenciés en masse peut laisser pantois, mais elle montre que la CGT pèse pour garder la main sur l’agenda des mobilisations, ce qui n’augure pas que du bon. Il faut au contraire persuader que ces séquences ne se concurrencent pas, se complètent et doivent déboucher sur la nécessité de s’organiser nous-mêmes.
Une logique à renverser
Car la situation est grave. Selon la DARES, les procédures collectives pour motif économique initiées en 2020 ont triplé par rapport à 2019. Depuis mars 2020, 700 plans de plus de 10 licenciements ont été enregistrés, correspondant à 75 000 ruptures de contrats de travail, auxquelles il faut en ajouter 30 000 résultant de 5 200 procédures collectives hors plan social et de licenciements individuels. Le volume des plans est massif et concerne en moyenne 36 % des effectifs. Il tend à s’accroître : sur la seconde quinzaine de novembre, 3 200 licenciements étaient envisagés, contre 1 100 sur la première quinzaine pour le même nombre de procédures. Et tout cela n’est probablement qu’une grosse goutte d’eau dans la vague des fins de contrat, le motif économique n’en représentant sur les vingt dernières années que... 2 %.
Le gouvernement fait mine de faire les gros yeux1… mais son administration n’a refusé d’homologuer que 10 plans sociaux sur 350 traités ! Elle peut difficilement faire autrement, tant le contrôle que prévoit le code du travail, qui ne s’étend pas au motif économique, est léger. Elle signe cependant la faillite idéologique du néolibéralisme : car c’est bien tout le discours qui postule que la facilitation des embauches suppose celle des licenciements et a servi de fondement à moult réformes du code du travail, qui se trouve mis à mal. Pour que ces licenciements produisent autre chose que du désespoir, il nous appartient de passer à l’offensive sans tarder !
- 1. Élisabeth Borne sur France Inter le 28 novembre 2020 : « J’invite les entreprises à ne pas engager des plans de licenciements dans la période qu’on connaît, alors que le marché du travail est plus difficile ». Agnès Pannier-Runacher sur France Inter le 6 décembre 2020 : « Avec Élisabeth Borne, nous avons fait passer des signaux très clairs, avec une certaine brutalité. On dit à ces entreprises : ça ne va pas être possible. »