Publié le Mardi 8 mars 2016 à 18h49.

Autour du monde, contre les violences faites aux femmes

L’année 2015 restera pour le mouvement féministe celle des mobilisations massives contre les violences faites aux femmes...

Une étincelle, la goutte de trop, Jacqueline Sauvage en France, les féminicides croissants dans l’État espagnol, l’Argentine, la Turquie, les violences du nouvel an à Cologne ainsi que l’instrumentalisation de celles-ci, ont permis des mobilisations de centaines de milliers de personnes contre la multiplicité des violences subies par les femmes, que la crise capitaliste ne fait qu’accentuer, et dont les discours réactionnaires cherchent à s’en approprier.

Briser le silence face aux violences

La rue, la cours de récréation, le lit, la famille, l’usine, les bulletins de salaire, les métiers spécifiques, la fermeture des centres d’IVG, l’hétéro-normativité, les « tu es trop moche pour... », les « tu le méritais », dévoilent, en même temps que masquent, les différents types de violence auxquelles les femmes font face depuis leur plus jeune âge. D’après la macro-enquête faite par l’Agence européenne des droits de l’homme en mars 2014, en Europe, plus de 25 millions de femmes ont été victimes de violences sexistes, 13 millions ont souffert de violence physique, 3,7 millions de violence sexuelle, et 9 millions de harcèlement sexuel. Parmi celles-ci, trois quarts connaissaient leur agresseur, celui-ci s’avère être leur conjoint ou ex une fois sur trois, et le cycle se clôt tous les 2,5 jours, avec la mort d’une femme sous les coups de ces derniers, dans un silence ahurissant. Le mouvement #NiUnaMenos en Amérique latine est né en plein milieu de l’année passée, dans le but de le briser.

#NiUnaMenos, « pas une de moins », Argentine

L’étincelle : Chiara Paez, une jeune fille enceinte de 14 ans assassinée et dont le corps a été retrouvé à l’entrée de la maison de son copain. L’indignation fit place à l’organisation, et celle-ci aux mobilisations les plus massives des dernières années en Amérique latine. Une mobilisation qui n’est pas sans rappeler celle qui a suivi le viol collectif et la mort de la jeune étudiante en Inde en 2012, ou le féminicide de Özgecan en Turquie en mars 2015. Ainsi, le slogan « Pas une de moins » s’est rapidement propagé, passant des réseaux sociaux aux journaux, aux écoles, aux universités, aux hôpitaux, aux usines, et convergea dans les rues de plus de 80 villes du pays, réussissant à mobiliser près de 500 000 personnes à Plaza Congreso contre le féminicide et l’ensemble des violences commises envers les femmes. Le phénomène #NiUnaMenos a précisément permis de prendre en compte l’ensemble des violences et de joindre à ses revendications la lutte pour l’avortement, pour un salaire égal, contre le harcèlement, contre la lesbophobie et la transphobie. Le cri initié en Argentine s’étendra très rapidement dans toute l’Amérique latine, arrivant même dans l’État espagnol.

#7N « Nous ne sommes pas au complet, il manquent les mortes », État espagnol

L’initiative est née au début de 2014, de la Coordination féministe de Valence, au vu de l’augmentation des violences envers les femmes depuis 2010. Celle-ci a regroupé 400 organisations féministes dans une des plus grandes manifestations de la décennie, comparée par son ampleur à celles du 15M. Après les manifestations pour le droit à l’avortement, le #7N a rassemblé 500 000 personnes à Madrid sous le slogan « la lutte contre la violence envers les femmes : une question d’État », et l’écho s’est fait sentir jusqu’à Paris, Londres, Montevideo, etc., où se sont tenues des manifestations de solidarité. Et pour cause : rien que l’année passée dans l’État espagnol, plus de 100 féminicides ont été commis, 18 déjà en 2016, dans un pays où par ailleurs la crise ne fait que les exacerber.

Jacqueline Sauvage ou la parodie de justice

En France, c’est l’affaire Jacqueline Sauvage qui a entraîné non seulement une forte vague de mobilisations mais surtout une victoire, même partielle, face à une justice toujours éloignée des intérêts des femmes. Accusée d’avoir tué son mari – violent, violeur, incestueux – après 47 ans de vie commune passées à survivre sous ses coups, la justice refusait de prendre en considération la légitime défense. En raison de la mobilisation qui prenait de plus en plus d’ampleur médiatique autour de cet parodie de justice qui acquittait les policiers coupables de crime mais refusait de reconnaître la légitime défense des femmes qui subissent les violences conjugales, Hollande a décidé de  « gracier » Jacqueline Sauvage d’une partie de sa peine. Cela dit, pour lui, il ne s’agit pas pour autant de reconnaître le droit à la légitime défense pour les femmes qui subissent des violences, ou de chercher à répondre à la situation vécue par des millions de femmes et dont la politique du PS est en première ligne responsable.

Cologne, violences et instrumentalisation.

Dans la ville de Cologne, en Allemagne, le soir du réveillon, près de 500 femmes ont été agressées sur la place de la gare centrale où la foule a l’habitude de se rassembler pour fêter la nouvelle année. Ces agressions ont été depuis relayées dans la presse comme ayant été le fait de personnes « en provenance d’Afrique du Nord ou arabes ». Il n’en fallait pas plus pour déchaîner une vague de xénophobie à l’encontre des migrantEs ayant trouvé refuge dans la ville depuis quelques mois. Un mois et demi plus tard, il s’est avéré que sur la presque soixantaine d’interpellations ne figuraient que deux réfugiés. Loin du « choc des civilisations », cet événement montre bien que la violence envers les femmes ne connaît pas de nationalité, et que toute instrumentalisation de cette question au profit d’un discours anti-réfugiéEs est à condamner. Pour lutter à la fois contre les violences faites aux femmes et leur instrumentalisation, la réponse demeure celle d’une politique profondément antisexiste et antiraciste.

Tania