Publié le Dimanche 10 avril 2016 à 22h31.

Femmes et souffrance au travail

Les conditions de travail s’aggravent, les avantages acquis sont grignotés quasi quotidiennement, le patronat veut briser toute possibilité de riposte collective, le rapport de force entre le capital et le travail se détériore, les salariéEs deviennent des variables d’ajustement... Dans ce contexte, le rapport entre oppression des femmes et exploitation de la force de travail, le rôle de l’oppression de genre à l’intérieur des rapports capitalistes de production sont les thèmes qui nous amènent à exiger un autre regard sur le travail, en posant la question de la « santé des femmes au travail ».

Les lois et règlements concernant les femmes au travail (congés maternité par exemple) ont eu un rôle protecteur de la mère et de l’épouse. Elles évoluent vers des impératifs économiques avec les lois Rebsamen et le projet El Khomri. Depuis plus de 40 ans, les femmes ont beau avoir largement investi le monde du travail avec un taux d’activité en constante progression, avoir rattrapé le niveau d’éducation des hommes, s’être immiscées dans des métiers qui sont traditionnellement réservés aux hommes, elles restent trop souvent les laissées pour compte du monde du travail. Les politiques en matière de santé et sécurité n’abordent généralement pas la dimension de genre. Le fait de ne pas prendre en compte cette problématique n’a pas permis une politique efficace de santé au travail et d’égalité des chances.

L’emploi d’une force féminine de travail joue un rôle essentiel pour le capital : déqualification dans certains secteurs, abaissement du coût de la force de travail, introduction de la précarité et d’aggravation des conditions de travail.

Une spirale sociale descendante qui agresse particulièrement les femmes

Le capitalisme s’appuie sur la division entre travail reproductif et productif et sur la division sexuelle du travail : la contribution des femmes à la satisfaction des besoins collectifs (reproduction des êtres humains, travail domestique, éducation des enfants et soins aux malades et personnes dépendantes) reste délibérément ignorée. Pourtant ce travail gratuit et imperceptible est indispensable au fonctionnement de l’économie qui évacue ainsi les coûts de reproduction et d’entretien de la force de travail. La mécanisation a permis de rendre le travail moins pénible et donc de remplacer la main-d’œuvre masculine dotée d’un savoir-faire à l’époque par une main-d’œuvre féminine non qualifiée et donc moins onéreuse. C’est le début de la division du travail entre les sexes : dévalorisation des métiers, diminution des salaires, parcellisation de la classe ouvrière. Et la précarisation de l’organisation du travail (légitimée économiquement par la « nécessaire compétitivité »...) rend volontairement invisibles les maladies professionnelles et entraîne un nivellement par le bas des conditions de réalisation du travail et des modes de rémunération.

Risques au travail (TMS, exposition à des agents chimiques), violence au travail (physique, verbale, harcèlement psychologique et/ou sexuel), violence par le travail (surcharge de travail, cadences infernales, manque de formation, etc.)Tous ces risques, ajoutés aux contraintes familiales, ont pour conséquence le ressenti d’un déséquilibre entre ce qui est exigé d’une personne et les ressources dont elle dispose pour répondre à ces exigences : le stress, l’isolement, l’épuisement professionnel, la culpabilité de ne plus pouvoir bien faire son métier, jusqu’au burn-out !

Double peine et résistance

Le travail, lui-même devenu malade, peut rendre malade et même tuer. C’est le fait du « capitalisme assassin », système qui produit malheur, misère et pauvreté pour une partie croissante de la population alors que certains ne cessent, dans le même temps, de s’enrichir. Et les femmes, personnes toujours actives et actrices de leur propre devenir, souffrent parce qu’elles veulent donner « forme humaine » à leur travail.

Mais l’histoire montre qu’elles résistent, aujourd’hui encore contre la loi travail. C’est la double peine avec la logique d’inversion de la hiérarchie des normes permettant le chantage à l’emploi et la baisse des droits, et alors qu’il n’y a aucune mesure pour le respect effectif de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, avec l’augmentation du temps de travail et la flexibilité, avec la durée des congés légaux renvoyée à la négociation (congé de solidarité familiale, de proche aidant), avec la réforme de la médecine du travail. 

Contre la loi El Khomri, nous luttons, nous résistons et nous ne lâchons rien !

Marie-Pierre Lesur