Alors que la division entre le PC et le PS, entre la CGTU et la CGT, fait rage, l’émeute provoque une réaction unitaire à la base. Un an après la victoire d’Hitler en 1933, derrière le gouvernement d’union nationale on voit le fascisme aux portes du pouvoir.
La réaction populaire
À Paris, la CGTU et la Fédération autonome des fonctionnaires manifestent le 9, le PC s’y joignant avec le slogan « À bas l’union nationale réactionnaire et fasciste préparée par le Parti radical et le Parti socialiste ! ». Lors de violents combats, la police tue 4 manifestants et en blesse 200.
La CGT appelait dès le 7 à la grève générale pour le lundi 12 février. La CGTU s’y rallie, le PC et le PS aussi, séparément. La préparation unitaire à la base, une nouveauté, donne des résultats : 4 millions de grévistes, une manifestation parisienne énorme, 100 000 personnes en deux cortèges qui fusionnent aux cris de : « Unité ! ».
Des comités antifascistes se créent, comme le comité de vigilance des intellectuels antifascistes, proche des socialistes et des radicaux (CVIA).
Le tournant de Staline
Staline, face au régime nazi, change de cap et veut désormais un front avec les bourgeoisies démocratiques. Il oriente le PCF vers une unité avec les « groupements radicaux hostiles à la réaction ». Lorsque Maurice Thorez1 rentre de Moscou, il défend l’unité. Le PC construit un mouvement pacifiste contre le fascisme, le mouvement Amsterdam Pleyel. Tout va alors aller vite. En juillet, un pacte d’unité d’action PC-PS est signé ; en octobre, Thorez lance l’idée d’un « Front populaire pour le pain, la paix et la liberté » ; en novembre, le socialiste Delmas, secrétaire du Syndicat national des instituteurs appelle au « Rassemblement populaire ».
De l’unité ouvrière au Front populaire avec les radicaux
Le « Rassemblement populaire » qui organise la préparation de la manifestation du 14 Juillet 1935 regroupe plus de 50 organisations, comités antifascistes, partis, syndicats y compris autonomes, associations laïques, francs-maçons, travailleurEs chrétiens, anciens combattants, associations sportives et culturelles, etc. Les radicaux s’y intègrent après les élections locales qui les ont vu régresser au bénéfice du PC et du PS. On est passé du front unique des organisations ouvrières et démocratiques à une alliance des organisations ouvrières avec la bourgeoisie radicale, dont les défauts apparaîtront.
Le 14 juillet 1935, c’est un raz-de-marée. À Paris, après un meeting où on prête serment de « rester unis pour la défense des libertés démocratiques », 500 000 manifestantEs défilent. Partout, les rassemblements soulèvent le même enthousiasme.
Le secrétariat du « Comité national de Rassemblement Populaire », composé de la LDH, des partis de gauche, de la CGT, de la CGTU et des associations antifascistes est alors chargé de rédiger un programme électoral, qui sera publié en janvier 1936.
Le parcours malaisé
de la fusion syndicale
Outre la CGT et la CGTU, un certain nombre de syndicats autonomes existent. Les initiatives unitaires locales se multiplient, certaines fusions sectorielles avancent, comme chez les cheminots en octobre 1934, mais les débats entre les confédérations sont laborieux, même si elles sont ensemble dans le Rassemblement populaire.
La fusion est le produit de l’unité PC-PS, retardé car la direction de la CGT refuse l’existence des fractions communistes dans le syndicat. C’est seulement en septembre 1935 que les congrès décident la fusion, qui se fera en mars 1936, intégrant au passage des organisations restées autonomes à la scission de 1921. La CGT fusionnée regroupe 800 000 adhérentEs, un tiers provenant de la CGTU. De mars à mai 1936, 250 000 travailleurEs vont la rejoindre.
Les mobilisations populaires unitaires en réaction à l’émeute du 6 février 1934 ont profondément modifié les organisations, le rapport de forces et la confiance pour se battre, ce qui fera la force de la grève générale de 1936.
- 1. Secrétaire général du PCF.