Dans la nuit du 17 septembre 2013, une bande de nazis d’Aube dorée assassinait le rappeur Pavlos Fyssas, antifasciste proche d’Antarsya, très actif dans son quartier populaire de la banlieue du Pirée...
Une semaine plus tôt, une tentative de meurtres contre des militants de PAME (courant syndical du KKE, le PC grec) avait été organisée dans le même quartier. C’en était trop, et devant l’immense émotion et la mobilisation antifasciste nationale, le gouvernement de droite était forcé de mettre en prison la direction nazie, dont plusieurs députés. Un geste hypocrite, après des années de silence sur les centaines d’agressions perpétrées par Aube dorée, surtout contre les immigrés : ainsi, le 17 janvier 2013, avait été assassiné le jeune pakistanais S. Loukman. Seul le mouvement antiraciste faisait circuler l’information et organisait la mobilisation contre les exactions d’Aube dorée ou d’autres bandes de tueurs.
Aube dorée recommence à lâcher ses bandes
Quatre ans plus tard, avec un gouvernement de Syriza, qui était actif il y a quelques années dans les mobilisations antifascistes, et qui promettait sur ce terrain-là aussi une rupture avec la complicité des gouvernements de la droite et du PASOK, que constate-t-on ?
De report en report, le procès de la direction nazie a tardé et les chefs tueurs sont en liberté. Et surtout, ils ont les mains libres pour exploiter le climat raciste, renforcé en Grèce aussi avec l’arrivée par milliers de réfugiés totalement démunis. Sur certaines îles d’arrivée, des opérations d’Aube dorée ont été de véritables opérations militaires de siège des camps, comme à l’automne à Chios, sous le regard passif de la police.
De manière générale, on voit qu’Aube dorée recommence à lâcher ses bandes, encouragées par les sondages mais aussi par la passivité du gouvernement. Des agressions ont repris, sur le même mode. Les nazis tentent maintenant d’effrayer les parents dans des écoles qui doivent accueillir des jeunes réfugiés, insinuant que ces jeunes vont créer des épidémies ! À Schisto, banlieue du Pirée, un groupe de nazis déguisés en parents inquiets ont agressé l’équipe éducative d’une école. Pour ce cas, les maires de la région, dont plusieurs de droite, ont réagi fortement, ne serait-ce que pour rassurer les parents, mais là aussi, sur le fond, on peut pointer l’absence d’une politique antiraciste.
Le gouvernement ne fait rien contre la peste brune !
En effet, dans cet épisode, alors que même le chef des policiers locaux – qui ont laissé faire – a été blessé par les nazis, le ministre de la Justice s’est contenté de belles paroles... sans que la justice se rende immédiatement sur place pour flagrant délit. Et surtout, comme le dénonce le mouvement antifasciste KEERFA, le programme de scolarisation des jeunes réfugiés tarde à être appliqué (nomination d’enseignants…), ce qui montre la détermination du pouvoir.
Et le bilan de Tsipras sur ce terrain, c’est un terrifiant légalisme : récemment, quelques députés d’Aube dorée ont même accompagné une délégation officielle, ce qui a permis aux nazis de parader à propos de leur force institutionnelle ! Et ces derniers temps, la télé publique couvrait toutes les manifestations publiques de ce groupe, comme s’il s’agissait d’un parti politique comme les autres.
Mais le plus terrible, c’est l’odieux accord entre l’Union européenne et la Turquie sur le renvoi des réfugiés, dont se vantait encore récemment le ministre de l’Intérieur. Cet accord a débouché sur la création de véritables camps de concentration sur les îles, avec impossibilité de fait que les réfugiés puissent gagner des lieux aménagés dans le reste du pays. Tout cela crée les conditions pour un renforcement du racisme dans le pays, ce qui ouvre une autoroute à l’extrême droite.
Des clones d’Aube dorée
Dans ce climat, différents groupes fascisants éclosent, sur une ligne raciste et nationaliste. Parmi eux, l’Assemblée des Grecs. C’est une structure reposant sur un escroc, Artemis Sorras, se prétendant multimillionnaire prêt à offrir 600 milliards pour racheter les dettes des particuliers… à condition que ceux-ci signent un serment sur les 12 dieux de l’Olympe, jurant d’être un guerrier luttant pour le but sacré de la Grèce, de l’hellénisme et de l’hellénicité (?!). Derrière ces fadaises, jurées en versant une cotisation au chef, la dynamique raciste est claire. Or, ce groupe fascisant rassemble des auditoires de centaines d’habitants prêts à suivre. Tel est le désarroi dans une bonne partie de la population, deux ans après la vague d’espoir de la victoire de la gauche !
Plus inquiétant encore, on constate un recul de la solidarité : même sur des îles comme Mytilène, dont l’accueil des immigrés relève de l’héroïsme, avec ses pêcheurs partant sauver des milliers de réfugiés en perdition, les réactions lors de la récente vague de neige ont montré une baisse assez forte des gestes de solidarité collective.
Renforcer le mouvement antiraciste et antifasciste
Heureusement, le mouvement reste bien vivant, capable de bloquer les diverses tentatives d’apparition des nazis. Mais on le voit : face à l’offensive raciste, il faut une coordination permanente regroupant toutes les structures nationales et locales, dépassant les sectarismes et les initiatives parallèles en lien au mouvement ouvrier. En donnant le feu vert à ces bandes de tueurs, l’objectif du capitalisme est de briser le mouvement ouvrier, comme en témoignent les ouvriers des chantiers navals et syndicalistes de PAME, victimes des nazis localement financés par le patronat pour monter un syndicat patronal et seulement pour les Grecs.
Interrogé par le président du tribunal dans le procès d’Aube dorée, Iordanis Pountizis, dirigeant du syndicat des Métaux, membre du KKE et dont le fils était ami de Fyssas, a eu cette réponse qui doit nous encourager à agir toutes et tous ensemble contre la peste brune : « La raison de leurs agressions ? Leur idéologie nazie, selon laquelle tous n’ont pas leur place ici. Seule la race aryenne y a droit. Il faut faire disparaître toutes les catégories qu’ils considèrent comme "non pures" : communistes, immigréEs, homosexuelEs… Leur idéologie parle de la "pureté" du sang : avec de tels critères, je ne suis pas considéré comme Grec ! Je suis originaire de la Cappadoce, d’où mes parents sont arrivés en 1924. » Il casse ainsi le mythe nationaliste de la « pureté » hellénique, partagé largement au-delà des rangs fascistes. La grande majorité de la population en Grèce a au moins un parent ou un grand parent venu comme réfugié en Grèce, et accueilli alors dans des conditions hostiles, ce qui devrait conduire aujourd’hui à combattre d’autant plus vigoureusement le sale climat raciste !