Publié le Dimanche 19 mars 2017 à 11h25.

«Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde » ?

Cette phrase assassine prononcée par Michel Rocard en 1989 alors qu’il était Premier ministre constitue encore aujourd’hui l’alibi majeur derrière lequel se cachent les partis institutionnels de droite comme de gauche, ouvertement ou honteusement, pour s’exonérer de leurs responsabilités concernant l’accueil des sans-papiers, des réfugiéEs et des migrantEs.

Pitoyablement, le candidat de « la France insoumise » tenait à peu près le même langage samedi dernier dans l’émission « On n’est pas couché ». 

Renoncements à « gauche »

Interpellé sur le sort qu’il réserverait aux « migrants économiques », la réponse de Mélenchon laisse pantois : « Ben, ça l’fait pas trop quoi ! Y a pas moyen d’occuper tout le monde. (…) Je n’ai jamais été pour le droit d’installation et je ne vais pas commencer aujourd’hui. (…) Les médecins qui ont été formés, il faut d’abord qu’ils s’occupent de leur pays, de leurs malades... ».

On comprend mieux pourquoi (entre autres) ces trois dernières années qui ont vu les arrivées importantes de migrantEs fuyant les zones de guerre (Afghanistan, Syrie, Érythrée, Soudan), ceux-ci se trouvent confrontés à un abandon total des autorités françaises. On comprend mieux aussi pourquoi les organisations de la gauche institutionnelle désertent nationalement tous les collectifs de soutien aux migrantEs, rendant leurs militantEs complices de la pire des répressions et amenant les plus motivés à rejoindre les organisations humanitaires.

Les démantèlements de la « jungle » de Calais et des campements de Stalingrad en sont la pire illustration. Sous couvert de « mise à l’abri humanitaire », la gauche gouvernementale, applaudie  par la droite, ne visait qu’un seul but : casser toute possibilité d’auto-organisation, d’exprimer collectivement leurs revendications, en les dispersant aux quatre coins de l’hexagone...

Criminalisation de la solidarité et résistances

Après l’opération médiatique du démantèlement militaire de la « jungle », le pouvoir pensait en avoir fini avec l’encombrant dossier des migrants. C’était sans compter sur le formidable mouvement de solidarité qui a vu naître dans toute la France des comités de soutien, des rencontres, des repas fraternels.

Là où le FN et ses semblables ont voulu appeler à des rassemblements de haine, ils se sont systématiquement heurtés à des contre-manifestations et rassemblements plus nombreux qu’eux. Élu par les lecteurs de Nice matin « azuréen de l’année », Cédric Herrou, condamné à 3 000 euros d’amende avec sursis (le procureur avait requis 6 mois de prison...) pour sa participation active au passage de la frontière avec l’Italie et à l’aide aux migrantEs, a publiquement déclaré qu’il ne se soumettrait pas aux injonctions d’une justice inhumaine... Dans le Nord-Pas-de-Calais, en dépit des arrêtés municipaux interdisant de « nourrir les migrantEs », la résistance s’organise. À Paris, tailleurs de pierre et militantEs s’organisent contre la mairie de Paris...

On pourrait ainsi multiplier les exemples de résistances. Mais ceux-ci, s’ils restent isolés, ne constitueront pas une force suffisante pour imposer nos revendications. Dans ce cadre, la marche du 19 mars constitue un point important pour un front antiraciste large contre les violences policières, les meurtres policiers, les contrôles au faciès, en soutien aux sans-papiers et aux migrantEs. Mais ce ne sera qu’un éphémère coup d’éclat s’il ne donne pas naissance à un mouvement national antiraciste, qui partirait de groupes locaux, unitaires et combatifs pour se transformer en une véritable force, antiraciste et antifasciste.

Alain Pojolat