À la faveur de la crise économique, les classes dirigeantes européennes mènent une offensive coordonnée contre les réglementations du travail. La loi El Khomri du gouvernement Valls reprend la recette déjà utilisée dans de nombreux pays d’Europe.
L’exemple le plus spectaculaire est celui de la Grèce, seul pays où le salaire minimum a baissé de 750 à 586 euros brut en 2012.
La même année au Portugal, quatre jours fériés prévus par le code du travail ont été supprimés ou suspendus, tandis que la majoration de salaire prévue pour les heures supplémentaires a été réduite de moitié.
En Italie, en 2014, le gouvernement Renzi est venu, malgré des grèves importantes, à bout de l’article 18 du code du travail, qui prévoyait pour les entreprises de plus de 15 salariéEs la réintégration des travailleurs licenciés « sans juste cause ».
Les travailleurs de l’État espagnol n’ont pas été épargnés. Le Real Decreto-ley du 12 février 2012 a autorisé les patrons à diminuer unilatéralement le salaire de leurs employéEs ! En cas de désaccord, ceux-ci doivent démissionner. Cette réforme du gouvernement de Mariano Rajoy a aussi limité les indemnités de licenciement et favorisé les accords d’entreprise. Toute ressemblance avec la loi Travail est totalement volontaire !
L’envers du décor
Ce traitement de choc aurait très bien fonctionné selon nos économistes officiels. Mais prenons par exemple le cas de l’État espagnol. Le taux de chômage y est passé de 26,1 % en 2013 à 22,1 % en 2015. En réalité, on s’aperçoit que cette baisse s’explique par le fait qu’une partie importante des personnes qui composaient auparavant la population active ne sont plus comptées en son sein. Ce qui signifie que faute de retrouver un emploi, de nombreux chômeurs espagnols ont tout simplement arrêté d’en chercher officiellement un. Ainsi, le taux d’emploi a diminué de 70 % à 60 % entre 2007 et aujourd’hui.
Autre effet de cette réforme radicale du droit du travail : les emplois à temps partiels et à durée déterminée ont fortement augmenté, les premiers passant de 12 % à 16 %, les seconds atteignant 24 % de l’emploi total.
Enfin, en 2015, la proportion de personnes en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale dans la population espagnole s’élevait à 29,2 % contre 18,5 % en France. Le taux de privation matérielle est passé de 10,8 % en 2008 à 17,8 % en 2014.
Voilà donc leur modèle : précarité et pauvreté sont au rendez-vous. Loin de permettre à chacun de s’éloigner réellement du chômage, ces réformes ont été menées partout en Europe afin d’atteindre deux objectifs principaux : baisser les salaires pour augmenter les profits et réduire au maximum les capacités de résistance de la classe ouvrière contre son exploitation.
La destruction du « principe de faveur »
C’est pour atteindre ce deuxième objectif qu’on facilite partout les licenciements (et qu’on diminue les indemnités en cas de rupture abusive). Mais surtout, pour atteindre ce but, il faut diviser les salariés, réduire encore un peu plus la conscience de classe et pour cela briser les statuts ou contrats collectifs. Ou plutôt faire en sorte que le contrat collectif qui prime sur tous les autres soit celui signé au niveau de l’entreprise, même et surtout s’il est moins favorable aux travailleurs que la convention de branche et que la loi... Cette destruction du « principe de faveur », au cœur de la loi El Khomri, a été achevée dans l’État espagnol et en Grèce en 2012.
Et si les pays les plus durement touchés par la crise ont été ceux où les réformes ont été les plus brutales, les patronats des économies dominantes en Europe pèsent sur leurs gouvernement pour bénéficier également de contre-réformes radicales, ce afin de ne pas perdre leur position sur le marché.
L’offensive coordonnée des classes dominantes n’a été pour l’instant stoppée dans aucun des pays de l’Union européenne, malgré des résistances de masse dans l’État espagnol, en Grèce et au Portugal. Mais cela ne sera pas toujours le cas, et la première lutte victorieuse fera tache d’huile tant les logiques à l’œuvre sont semblables... Tout l’enjeu du combat contre la loi travail est là !
Comité inspection du travail Île-de-France