Publié le Mercredi 25 mai 2016 à 09h30.

Résister à la macabre stratégie européenne

L’accord infâme, signé le 20 mars dernier entre les 28 pays de l’Union européenne et la dictature turque, sur la régulation des flux migratoires aggrave un peu plus chaque jour, dans chaque pays, les conditions de vie et de transit de centaines de milliers de réfugiéEs...

Sur fond d’une guerre en Syrie qui n’en finit pas et allonge chaque jour la liste de ses victimes et des gens qui fuient les zones de combat, cet accord symbolise mieux que tout l’inhumanité d’une Europe capitaliste incapable d’envisager une politique commune pour résoudre un drame humanitaire parfaitement maîtrisable.

Des milliards d’euros... pour des milliers de mortEs

À peine empochés les 6 milliards d’euros payés par l’Union européenne pour maîtriser les flux migratoires à ses frontières, le gouvernement Erdogan mène une répression sanglante à l’égard des migrantEs, n’hésitant pas à abattre celles et ceux qui, fuyant les zones de guerre, tentent de franchir la frontière. Des milliers de SyrienEs, prisonniers dans les fameux « hotspots », ont d’ores et déjà été expulsés vers la Syrie qu’ils avaient été contraints de quitter.

Peu regardante sur les moyens militaires et financiers quand il s’agit prétendument d’« assurer sa sécurité » et d’opprimer les peuples, l’Union européenne a considérablement renforcé les moyens humains et matériels de l’agence Frontex qui bénéficie maintenant de l’appui logistique de l’Otan. Les effets de cette macabre stratégie se sont soldées en avril par un naufrage au large de la Libye faisant plus de 500 mortEs, à ajouter à la liste des milliers de noyéEs depuis le début de la crise. En coupant les voies terrestres avec l’Europe via la Grèce et la Macédoine, le dispositif mortel conçu par les dirigeants européens contraint les migrantEs et leurs familles à risquer leurs vies dans des traversées plus longues et plus dangereuses. L’Italie envisage pour cet été une arrivée de plusieurs milliers de réfugiéEs sur ses îles et sur ses côtes !

La majorité de la population grecque solidaire !

Aux ordres de la troïka, le gouvernement Tsipras ose se satisfaire de cette situation, allant se féliciter de la décrue migratoire entraînée par la militarisation de la mer Égée et acceptant les sordides échanges de réfugiéEs avec la Turquie...

Pourtant, malgré une situation économique catastrophique plongeant chaque jour des familles, des jeunes, des retraitéEs dans la misère et la précarité, l’opinion publique grecque reste favorable aux migrantEs et réfugiéEs, de récents sondages approchant même les 80 %. Soutenus en particulier par Keerfa et de nombreuses structures syndicales dans tout le pays, la population multiplie les actions de solidarité en dépit de la répression des autorités.

Au centre d’Athènes, un hôtel désaffecté, le City Plaza, est occupé par des migrantEs qui ont échappé à la mise en cage dans les « hotspots » (de véritables camps de concentration gardés par la police et l’armée auxquels n’ont accès que les ONG faisant allégeance au gouvernement). Sur les îles où débarquent encore des réfugiéEs, la population solidaire organise elle même le soutien logistique. Lors de la dernière manifestation contre l’austérité et la nouvelle amputation des pensions de retraites (moins 30 %), les réfugiéEs ont défilé à Athènes aux côtés des manifestantEs grecs.

Une situation plus difficile en Europe centrale

Confronté à la montée des populismes, à l’aggravation des conditions économiques et à la couardise des dirigeants européens, le mouvement de solidarité reste faible dans la plupart des pays du centre de l’Europe. Et s’échapper du piège grec mène le plus souvent vers de nouveaux barbelés, de nouveaux camps, de nouvelles frontières infranchissables...

Encore et toujours, organiser, centraliser les solidarités

La question des migrantEs et réfugiéEs ne peut être envisagée comme un « supplément d’état d’âme » que partageraient les militantEs d’extrême gauche, les humanitaires et les Églises. On ne peut se résigner à cette lente banalisation qui n’arrive plus à bousculer les agendas politiques. Le 19 mars, journée internationale de solidarité avec les réfugiéEs, les mobilisations sont restées très en deçà dans de nombreux pays, excepté la Grèce, la Grande-Bretagne et le Danemark. Ainsi à Paris, la manifestation a mobilisé moins que celle de Calais le 23 janvier dernier. Le mouvement Nuit debout s’est doté d’une commission Soutien aux réfugiéEs et migrantEs permettant, en lien avec la commission Europe, d’organiser deux actions à partir de la place de la République : la première était un démantèlement des grilles antimigrants sous le métro aérien à Stalingrad suivi d’un retour en manifestation sauvage jusqu’à République ; la seconde, dirigée contre la mairie de Paris qui avait organisé une « fête de l’Europe » sur le parvis de l’Hôtel de ville et qui fût contrainte d’annuler le débat prévu où se sont invités sans-papiers, migrantEs et soutiens.

Pour la quatrième fois, les antiracistes anglais organisent un convoi sur Calais samedi 18 juin. Appelé par Stand up to racism (STTR), l’Assemblée populaire contre l’austérité (PAAA) et des organisations syndicales, cette nouvelle initiative a trois objectifs : manifester dans les rues de Calais le soutien aux réfugiéEs, apporter des fonds et de la logistique, exiger l’ouverture de la frontière avec la Grande-Bretagne. Une occasion de proposer à Nuit debout de mettre cette date dans l’agenda des futures mobilisations.

Alain Pojolat