Dans la nuit du 27 au 28 juin 1969, il y a 50 ans exactement, débute ce que l’histoire a retenu comme « les émeutes de Stonewall » : 5 nuits d’affrontements contre la police. Aujourd’hui, 50 ans après, et alors que de nombreuses entreprises capitalistes (comme Google ou Netflix) ou gouvernements, voire la police new-yorkaise veulent nous faire croire qu’ils célèbrent les 50 ans de Stonewall, il est nécessaire de revenir sur ce pan de notre histoire et de nous le réapproprier.
Stonewall n’a pas été un phénomène isolé
L’histoire de Stonewall est aujourd’hui largement connue : une descente de flics a lieu dans le Stonewall Inn, un bar gay tenu par la mafia dans Greenwich Village à New York. C’est la descente de trop, qui provoque une émeute, c’est-à-dire des affrontements entre les personnes trans, les drag queens, les gays, contre la police new yorkaise. Cet événement est vu aujourd’hui comme fondateur du mouvement de libération gay et lesbien, dont le temps fort s’est fait dans les années 1970 pour réclamer la décriminalisation de l’homosexualité. Il faut savoir qu’aux Etats-Unis en 1969, il était par exemple illégal de se travestir. En France il faut le rappeler, l’homosexualité est dépénalisée à partir de 1981. Et il faudra attendre 1990 pour que l’homosexualité ne soit plus considérée comme une maladie psychiatrique.
Plus qu’un mouvement de libération sexuelle
C’est dans ce contexte de criminalisation que vivent les personnes LGBT mais, malgré tout,se développent en marge des identités gay et lesbienne à partir de la fin de la SecondeGuerre mondiale, pendant les « Trente glorieuses », en particulier aux États-Unis et dans de nombreux pays d’Europe marqués par la politique d’État-providence. Stonewall est le symbole du début de ce mouvement, et pourtant il est loin d’avoir été un phénomène isolé : aux États-Unis, entre 1959 et 1969, on compte pas moins d’une vingtaine d’émeutes dans plusieurs villes comme Los Angeles, New York et San Francisco, à l’image de celle de la « Compton’s Cafetaria »en 1966.
Ce qui fera qu’on attache en réalité une aussi grande importance à Stonewall, c’est bien parce que cette émeute marque un tournant, avecla compréhension qu’il faut s’organiser et se battre pour ne plus subir, sortir du secret afin de pouvoir vivre dignement. À la suite de Stonewall, ce sont deux organisations qui seront ainsi créées : le Gay Liberation Front (GLF) et la Gay Activist Alliance. Le GLF, qui perdurera pendant trois ans à New York, remet en cause le système dans sa globalité, nourri par les différentes luttes de libérations et par les mouvements antiguerres, comme le sera d’ailleurs, à ses début, le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) en France. Il y a à la naissance du mouvement LGBTI une forte remise en cause globale du capitalisme, parce qu’il y a une compréhension que nos identités remettent profondément en cause ce système, en mettant à mal la question de la reproduction de la force de travail, en démontrant que les normes genrées sont une supercherie.
Un an plus tard, des manifestations sont organisées à Los Angeles et à New York pour commémorer Stonewall où on peut entendre : « Gay Pride » (fierté gay), « Gay Power », « Gay is Good ». Ce seront les premières gay pride, marche des fiertés. Il faudra attendre l’année 1971 pour la première pride française.
Nos identités sont-elles solubles dans le capitalisme ?
Si aujourd’hui les marches des fiertés en France sont largement célébrées à coup de marketing de grosses entreprises, comme c’est le cas aux États-Unis, il a fallu d’abord traverser la répression, les années SIDA, les batailles parfois sans fin pour l’égalité des droits. Aujourd’hui, le capitalisme semble avoir en partie intégré les identités gay et lesbienne : depuis les années 2000, on peut voir une représentation des plus en plus importante dans la culture. C’est ce que le capitalisme sait faire parfaitement : s’approprier nos luttes et nos symboles. Pourtant, nous n’oublions pas que les personnes LGBTI sont toujours criminalisées partout dans le monde, que l’égalité des droits est loin d’être acquise, que nous vivons toujours l’oppression dans notre vie quotidienne, que nous sommes agresséEs, harceléEs, violéEs, assassinéEs.
Si Stonewall nous a appris quelque chose, c’est que c’est par la lutte que nous pouvons faire reculer les réactionnaires, mais que c’est aussi par l’organisation collective que nous pouvons nous battre et arracher des droits. Aujourd’hui, plus que jamais, nous ne devons pas seulement commémorer Stonewall, mais reprendre la rue dans un contexte de montée de l’extrême droite et des réactionnaires.
Mimosa Effe