Publié le Mercredi 30 septembre 2020 à 11h54.

Les solutions autoritaires et technocratiques de lutte contre le virus ont fait faillite

Si nous sommes dans la deuxième vague de Covid-19, nous le devons pour une bonne part au choix gouvernemental de faire redémarrer d’abord les profits, à son refus d’imposer des normes contraignantes aux entreprises (les masques n’y sont imposés que depuis le 1er septembre), à son refus d’investir massivement dans la santé (personnels pour les tests, le traçage, les hôpitaux, fourniture gratuite de masques…). Tout cela est souvent noté. Mais le libéralisme, c’est aussi une certaine conception de la société et de son fonctionnement.

Le libéralisme, c’est une conception autoritaire et technocratique de la vie sociale et de la prise de décision, qui ne peut être efficace quand la lutte contre le virus impose de modifier, pour de longs mois, les pratiques individuelles et sociales de millions de personnes. A fortiori quand, dans le même temps, le fonctionnement principal du capitalisme, autour de l’exigence des profits, rend les conditions même du respect de ces nouvelles normes individuelles et collectives ­difficiles, voire impossible.

En clair, le libéralisme somme chaque individu de respecter et de se soumettre à des décisions prises dans le secret des cabinets ministériels, alors même que beaucoup de ces mesures sont impossibles à respecter dans le cadre des contraintes de locaux, de personnels, de pouvoir, du capitalisme réellement existant.
Comment respecter les mesures barrières à l’école ou à l’université si les locaux sont exigus, les classes surchargées, les cantines bondées ? Alors que l’option embauche massive de personnels et réquisition de bâtiments pour pousser les murs est exclue ! Comment concilier distanciation et maintien au maximum de l’autonomie et de la vie sociale de nos aînéEs dans les EHPAD, sans embaucher massivement du personnel, investir dans la création de lieux de rencontre (réels ou virtuels), où les mesures barrières sont n­aturellement respectées ?

L’inverse d’une politique de santé publique

Entre austérité et vision libérale de la société, la politique de test s’est effondrée, et le traçage avec. On est passé de 250 000 à 1,2 million de tests par semaine, mais on n’a investi ni dans les machines ni dans les personnels pour les réaliser. Alors on a des résultats de test avec huit, dix jours de retard, même quand on a des symptômes et une ordonnance pour les réaliser. Et les libéraux qui nous gouvernent laissent la campagne de tests au choix individuel : celui ou celle qui veut se tester se teste. Et immédiatement, on dénonce ces anxieux et anxieuses qui saturent le système…

Ce n’est pas une politique de santé publique. Il faut cibler les tests sur les patientEs symptomatiques et leurs contacts bien sûr, mais aussi sur les secteurs où le Covid se développe le plus, ou qui sont le plus en relation avec les personnes fragiles. Les personnels de santé, CHU, HP, étudiantEs en médecine… où le virus circule à grande échelle. Les aides à domicile pour les malades et les personnes âgées, les EHPAD. Les entreprises privées et publiques où on sait que le virus circule beaucoup (abattoirs, transports, commerce… ). Mais aussi les travailleurEs saisonniers de l’agriculture, travailleurEs les plus précaires, parfois sans papiers, souvent contraints par une mafia de la terre à travailler et à dormir entassés dans des conditions indignes, comme en attestent les nombreux clusters. Mais cela ne peut se faire qu’en rognant sur le pouvoir du capital, en régularisant massivement les sans-papiers et les sans-droits. En donnant aussi à celles et ceux qui doivent s’isoler la possibilité de la faire, c’est-à-dire la garantie de revenu, la garantie de logement (réquisitionner les logements vides, les hôtels), la garantie de communication, pour avoir les moyens de rester en contact avec ceux qu’on aime. Alors que trop souvent les plus précaires, les Uber, les sans-papiers n’ont d’autre choix individuel que de continuer à travailler… et à contaminer !

Pour une auto-organisation démocratique

Alors que les services de la Sécu débordés se contentent le plus souvent d’un simple coup de fil aux patientEs et contacts Covid-19, nous avions proposé l’embauche de 25 000 travailleurEs de santé communautaires, chargés de contacter, aider, informer, rencontrer les patientEs, de retrouver leurs contacts. L’expérience des travailleurEs de santé communautaires au Liberia en période d’Ebola nous montre que cela est possible, bénéfique et efficace pour la santé, et jouit d’un fort soutien communautaire, ce qui manque cruellement à toutes les solutions verticales du marché ou de l’État.

Les seules mesures qui sont vraiment respectées, ce sont celles que chacun s’impose, car il ou elle les a construites, est persuadé de leur justesse, et que le collectif lui donne les moyens de les respecter, tout en continuant à vivre. On pense aux masques, qui ont été massivement produits d’abord, puis portés, alors même que pouvoir et spécialistes nous disaient au départ qu’ils étaient inutiles. Contre les solutions libérales et verticales, qui ont montré leur inefficacité, notre auto-organisation démocratique est le seul chemin pour faire émerger des solutions acceptables pour la jeunesse, les salariéEs, et pour imposer les bouleversements collectifs qui les rendront possibles. Faute de quoi on va vers un système de santé débordé, la perspective d’un nouveau confinement, et un vent de refus contre des mesures sanitaires indispensables, mais mal acceptées car imposées ou impossibles à respecter.