À nouveau, un « psychodrame » secoue le principal parti de l’extrême droite française...
Certains observateurs et observatrices comparent la situation actuelle au sein du FN avec la lutte qui a opposé Jean-Marie Le Pen à Bruno Mégret, à la fin des années 1990. Ils et elles considèrent d’ailleurs souvent que Marine Le Pen ferait aujourd’hui « du mégrétisme sans Mégret », se heurtant donc à son père sur les mêmes bases que l’ancien numéro deux du parti.
Certains traits sont en effet communs aux deux situations. Sur d’autres points, celles-ci se distinguent cependant assez fortement. Et surtout, il ne faut pas compter sur l’idée que la crise qui secoue actuellement le FN produise le même résultat que l’« affaire Mégret » à l’époque. Une affaire qui, elle, avait conduit à une scission dévastatrice pour le FN.
Une stratégie nouvelle
Cette scission allait plomber son implantation militante pendant plusieurs années, pour l’essentiel jusqu’à l’arrivée de Marine Le Pen à la présidence du parti en janvier 2011. La reconstruction d’un véritable appareil militant, existant en dehors des périodes d’apparition électorale, n’a véritablement commencé qu’à ce moment-là. Auparavant, le FN des années 2000 à 2010 était souvent secoué par des crises liées au caractère exsangue du corps militant. Que l’on se rappelle de la bagarre entre Jean-Marie Le Pen et Jacques Bompard, le maire d’Orange, ou celle qui l’opposa à la militante de la première heure Marie-France Stirbois...
Aujourd’hui, la situation conflictuelle au FN diffère sur plusieurs points. Tout d’abord, si elle partage plusieurs points de l’approche Mégret (dont le refus d’afficher des références trop claires à la période de la Seconde Guerre mondiale), l’actuelle présidente du FN ne préconise néanmoins pas d’alliance avec la droite classique. Sa stratégie se situe quelque part entre celle de Mégret à l’époque, et celle du père.
Ce dernier s’est toujours désintéressé des alliances politiques (à droite) que Mégret croyait nécessaires pour participer au pouvoir. Jean-Marie Le Pen, lui, rêvait toujours que le peuple allait appeler son sauveur – l’homme providentiel – au moment d’une catastrophe nationale profonde. Il suffisait donc d’attendre le bon moment. Marine Le Pen ne partage pas cette vision mystifiante. Elle est favorable à une stratégie de construction patiente, à prédominante électorale, mais elle ne pratique pas non plus la politique d’alliances affirmée qui était celle des mégrétistes.
« La pièce rapportée »
Et surtout, Marine Le Pen fait partie de la cellule familiale de Jean-Marie Le Pen... à la différence de Bruno Mégret, que Le Pen a toujours vu comme un arriviste et un intrus illégitime dans la sphère dirigeante.
Le vieux fondateur du FN avait accepté de transférer le pouvoir à Marine Le Pen. Ainsi, Marine Le Pen a été officiellement investie de la « légitimité » politique par son père. De façon certes formelle et en croyant garder la réalité du pouvoir pour lui. Mais il est improbable qu’aujourd’hui, Jean-Marie Le Pen aille jusqu’à accepter de casser son propre parti, ce qu’il avait fait (de facto) à l’automne 1998.
La faiblesse du dispositif « mariniste » consiste en la présence de Florian Philippot, actuel vice-président du FN. Arrivé du chevènementisme, Marine Le Pen l’avait surtout promu parce que son mélange de discours se voulant « social » (et critique de l’Union européenne) et d’héritage très « républicain » lui semblait intéressant pour l’affichage. Mais aux yeux de Jean-Marie Le Pen et d’autres, Philippot est surtout « une pièce rapportée » (dixit le vieux fondateur du FN dans Rivarol), n’ayant aucun lien historique avec « la famille ».
Et depuis que Philippot a publiquement revendiqué l’exclusion de Jean-Marie Le Pen, tout en déclarant ne jamais avoir voté pour le FN tant qu’il était représenté par ce dernier, il agace bon nombre de militantEs au sein du parti.
Bertold du Ryon