Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, élu en 2017 sur les ruines des cinq années de la présidence Hollande, fut celui des services rendus aux plus riches, de la brutalité contre les classes populaires et de la course à l’échalote avec la droite extrême et l’extrême droite.
Sans prétendre faire ici un bilan exhaustif du premier mandat de Macron, revenir sur les grandes tendances des cinq dernières années permet de comprendre mieux le type de pouvoir auquel nous allons continuer d’être confrontés, et de se préparer aux attaques – et aux batailles – à venir.
Le ruissellement… vers le haut
Macron a été le président des ultras-riches. Dès le début de son quinquennat, avec la suppression de l’ISF, il a donné le ton. Et durant les années qui ont suivi, la ligne n’a pas bougé : au nom d’une pseudo-théorie du « ruissellement », selon laquelle l’enrichissement des riches produirait mécaniquement une redistribution des richesses pour l’ensemble de la société, toujours plus de cadeaux ont été accordés aux grandes fortunes et aux grandes entreprises. Prélèvement forfaitaire unique, baisse de l’impôt sur les sociétés, réforme du CICE transformé en allègement de cotisations sociales permanent : le quinquennat a été une longue suite de « réformes » en faveur des plus fortunés et des détenteurs du capital, qui s’est soldée par un accroissement majeur des inégalités. Ainsi, à la fin de l’année 2021, les 1 % les plus riches étaient ceux dont les revenus avaient le plus augmenté depuis 2017, tandis que les 5 % les plus pauvres avaient vu leurs revenus… diminuer. Tout un symbole. Et l’on ne parlera pas ici des conclusions édifiantes du rapport d’Oxfam que nous avons souvent évoqué durant la campagne présidentielle, qui a établi que, de mars 2021 à novembre 2021, les 43 plus riches de France ont vu leur fortune s’accroître de 236 milliards d’euros, soit davantage que durant les 10 années précédentes, notamment via la captation des aides publiques du fameux « quoi qu’il en coûte ». En d’autres termes, un ruissellement… à l’envers.
L’autoritarisme en marche
Dans le même temps, les salaires n’ont pas augmenté, contrairement aux loyers et aux prix des produits de consommation courante, les services publics ont été attaqués (entre autres et notamment l’hôpital), et le pouvoir a même eu le cynisme de s’en prendre aux APL et aux allocations chômage, ainsi qu’au retraites, même si la mobilisation de l’hiver 2019-2020 et l’arrivée de la pandémie ont contrarié ses projets. Dans de telles conditions, la pauvreté et la précarité se sont étendues, et, le mépris du pouvoir aidant, il n’a pas fallu longtemps pour que la colère explose, avec le mouvement des Gilets jaunes. Une mobilisation inédite, par ses formes et sa durée, qui a révélé à celles et ceux qui refusaient de le voir le caractère profondément autoritaire du régime macronien, avec une répression policière et judiciaire particulièrement violente.
Plus d’un an auparavant (juillet 2017), nous écrivions : « L’autoritarisme est une composante du macronisme, dont les projets d’adaptation brutale des structures économiques et sociales françaises aux nouvelles configurations du capitalisme mondialisé passent par une caporalisation de la société, une marginalisation des corps intermédiaires et une mise sous tutelle des contre-pouvoirs »1. Une façon de dire que la brutalité de la Macronie n’est pas accidentelle mais structurelle : ce pouvoir n’est pas violent parce qu’il est « excessif ». Il est violent car il est le pouvoir et qu’il veut le rester dans une situation très instable où il entend, coûte que coûte, faire passer ses contre-réformes même s’il n’arrive pas à arracher le consentement de secteurs significatifs de la population.
Course à l’échalote avec l’extrême droite
Gestion calamiteuse de la crise sanitaire, condamnation pour « inaction climatique », poursuite de la politique (néo)coloniale et impérialiste de la France… La liste serait longue des éléments de « bilan » du quinquennat Macron qui démontrent la cohérence destructrice d’une politique guidée par la seule préservation des intérêts capitalistes dans un système en crise(s), au détriment de la planète, de la santé, des droits des peuples… La logique de la macronie est celle, pas si « nouveau monde », du néolibéralisme le plus débridé, appuyé sur les forces de répression de l’État – et sur des législations de plus en plus anti-démocratiques. Un néolibéralisme qui privilégie les profits sur la vie, et dont les mécanismes internes sont ceux d’une fuite en avant vers le pire, y compris la destruction de la planète.
Et c’est fort logiquement que, dans de telles conditions et avec la volonté de pérenniser un tel projet, la macronie, prétendument « et de droite et de gauche », s’est quasi immédiatement tournée, après son élection, vers les secteurs les plus à droite, voire à l’extrême droite, de la société, flattant les préjugés les plus réactionnaires et mettant en œuvre des politiques racistes. Symboles de ces politiques, les lois « asile-immigration » (septembre 2018) et « séparatisme » (août 2021) ont été l’occasion non seulement de campagnes particulièrement stigmatisantes et racistes, mais aussi de l’adoption de mesures discriminatoires aux effets très concrets dans la vie quotidienne de secteurs entiers de la population. Des politiques destinées non seulement à focaliser le débat public sur des questions « identitaires » et à flatter un électorat de droite, voire d’extrême droite, mais aussi en pleine cohérence avec le reste des politiques de Macron et des siens : diviser, brutaliser, discipliner, quitte à finir par qualifier Marine Le Pen de « trop molle » sur les questions liées à l’islam… avant de se présenter quelques mois plus tard en « rempart » face à l’extrême droite.
- 1. Julien Salingue, « Le macronisme est un autoritarisme », l’Anticapitaliste n° 394 (27 juillet 2017).