La droite et le Front national attisent le fantasme de milliers de migrantEs et d’étrangers pillant la Sécurité sociale et submergeant les services hospitaliers...
Tout cela est à l’opposé de la réalité : celle d’une très grande difficulté d’accès aux soins pour cette partie de la population. Quant à l’Aide médicale d’État (AME), dont le FN et Fillon demandent la suppression, elle ne représente que 0,7 % des dépenses d’assurance maladie...
Des milliers de migrantEs sans couverture médicale
Il s’agit soit de personnes arrivant pour la première fois et n’ayant pas trois mois de présence sur le territoire, soit de personnes éligibles à l’AME mais pour lesquelles la complexité du dossier à déposer est un obstacle.
Sans couverture médicale, comment se soigner ? Il existe deux possibilités : les centres de soins humanitaires et les PASS (permanences d’accès aux soins de santé) à l’hôpital public.
Les centres de soins humanitaires militants comme ceux du Comède (Comité médical pour les exilés) ou de Médecins du Monde (les Caso, Centres d’accueil de soins et d’orientation, 20 en France) ne font que se substituer aux carences du droit commun et sont tous surchargés.
Les PASS existent en principe dans tous les hôpitaux depuis la loi sur l’exclusion de 1998. En réalité, le tableau est moins idyllique : Ainsi, en Île-de-France, sur 16 PASS, seules 5 ou 6 sont fonctionnelles, avec de nombreux dysfonctionnements...
De plus, il existe une méconnaissance du dispositif au sein même de l’hôpital, l’interprétariat y est limité, et le personnel médical insuffisant et débordé. Les patients ne sont souvent pas prévenus qu’il faut demander un « bon PASS » pour obtenir la gratuité des prescriptions. Enfin, il y a refus de prise en charge immédiate pour des pathologies lourdes, comme des cancers.
Ajoutons que la pression est de plus en plus forte pour se préoccuper des comptes de l’hôpital et de la solvabilité, ce qui serait, paraît-il la nouvelle « éthique » du bon médecin1 !
Même avec l’AME, se soigner n’est pas si simple
Obtenir l’Aide médicale d’État est difficile : outre les trois mois de résidence en France à justifier, il faut avoir des papiers d’identité qui sont souvent perdus au cours du trajet migratoire. Il faut aussi donner une adresse, ce qui est compliqué quand l’hébergement est précaire (à la rue, dans un squatt, etc.).
Même une fois obtenue, l’AME est refusée par 37 % des généralistes et par tous les spécialistes qui pratiquent les dépassements d’honoraires. Les soins d’optique ou les prothèses dentaires ne sont pas pris en charge, et l’accueil n’est pas toujours bienveillant car la carte d’AME est stigmatisante.
Face aux scandaleuses campagnes du FN et de la droite pour la suppression de l’AME, qui représente pourtant un montant dérisoire des dépenses de santé, nous réclamons au contraire la prise en charge à 100 % pour toute personne résidant en France. Cela relève d’une éthique de solidarité, du respect du droit à la santé égal pour tous, et d’une politique de santé publique efficace.
Christian Bensimon
- 1. Voir revue Agone n° 58 article : « Logiques de tri et discriminations à l’hôpital public »