Publié le Mercredi 27 mai 2020 à 08h55.

Les réponses du gouvernement : baratin et contre-réformes

Lors de sa récente visite à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, Macron, vigoureusement interpellé par des hospitalierEs, a fait ce qu’il sait le mieux pratiquer, le bla-bla-bla pour vanter « les piliers » de son plan pour l’hôpital.Le gouvernement a ainsi annoncé « la revalorisation des carrières et le développement des compétences et des parcours professionnels ; un plan d’investissement et la réforme du financement ; un système plus souple, plus simple, plus en proximité, en revalorisant le collectif, le sens de l’équipe et l’initiative des professionnels et une organisation du système de santé fondée sur le territoire et intégrant hôpital, médecine de ville et médico-social ».

La « concertation » a débuté le 25 mai au ministère « des Solidarités et de la Santé », avenue de Ségur à Paris. Le ministre Olivier Véran est accompagné par Nicole Notat qui a de l’expérience : secrétaire générale de la CFDT en 1995, elle avait soutenu la contre-réforme Juppé et s’était opposée aux mobilisations malgré leur ampleur !Véran dit vouloir frapper « vite et fort » afin d’aboutir à des conclusions à la mi-juillet. Le gouvernement préfère que ce soit pendant la période des vacances car les mesures annoncées à l’issue du « Ségur de la santé » ne seront sans doute pas très populaires auprès des personnels de santé. Il veut que les discussions soient consacrées à « six axes de réflexion » : « développement des exercices mixtes ; modernisation de la gestion de carrière et des compétences ; développement des pratiques avancées et des coopérations entre professionnels ; assouplissement de la gestion du temps de travail pour ceux qui le souhaitent ; promotion de la qualité de vie et de la santé au travail ; promotion du dialogue à l’hôpital. » Il préfère des discussions technocratiques pour ne pas aborder frontalement les revendications du personnel et les besoins réels des hôpitaux et EHPAD.

La poursuite de la même politique… en pire !

Les objectifs du gouvernement avaient été annoncés sans ambages le 20 mai à l’issue du conseil des ministre. Véran a évoqué la loi « Ma santé 2022 » adoptée au Parlement en juillet 2019 : « Nous avons fait le bon diagnostic nous avons pris les bonnes orientations, mais nous n’avons pas été ni assez vite ni assez fort. » Il a annoncé « des mesures d’ampleur et dans une certaine mesure radicales. Cela passera par une hausse des salaires à l’hôpital, par une remise en question de certains carcans qui empêchent ceux qui le souhaitent de travailler davantage, parfois différemment.  Cela passera encore par une meilleure valorisation du travail en équipe et donc également des compétences acquises, […] le système de santé français [n’étant] pas assez performant ».

Ce gouvernement a l’habitude d’habiller ses mesures d’un langage de « progrès ». La mesure phare de la loi « Ma santé 2022 » était la prétendue « création de 400 à 600 hôpitaux de proximité » alors qu’il s’agissait de leur fermeture et de la transformation de certains d’entre eux en EHPAD ou en maison de santé. C’est cette politique de destructuration de l’hôpital public, notamment par le partenariat public-privé, que Véran a pour mission de poursuivre. Il n’est pas étonnant que, dans un communiqué, « la Fédération de l’hospitalisation privée salue la volonté d’une réforme véritablement ambitieuse du système hospitalier […] et approuve la volonté du président de la République d’instaurer une nouvelle organisation du système de santé basée sur le territoire, tirant les leçons des coopérations mises en œuvre au plus fort de la crise ».

Concernant les salaires, les hospitalierEs ne doivent pas se faire trop d’illusions, Agnès Buzyn avait promis une revalorisation aux aides-soignantEs en juillet 2019, et Édouard Philippe avait annoncé une augmentation de 200 euros aux nouveaux et nouvelles infirmierEs en octobre. Ils et elles attendent encore !Un rapport de forces à construire

Le gouvernement reste volontairement très flou sur les réponses aux revendications des syndicats et des collectifs, rien de concret n’est annoncé pour faire face à l’insuffisance chronique du financement et à la pénurie de professionnels, alors que des dizaines de milliers d’embauches pérennes, suivies de formations sont indispensables pour ouvrir les milliers de lits dont l’hôpital manque en permanence et plus dramatiquement dans les périodes de crise (épidémie de grippe, pandémie Covid-19…).

Le gouvernement n’a renoncé à aucune des attaques contre les acquis sociaux. Alors que le personnel des hôpitaux et EHPAD souffre de conditions de travail très difficiles, il fait peser des menaces sur la durée de travail. « N’est-ce pas incohérent de maintenir les 35 heures alors que certains, pour gagner plus, travaillent en dehors en toute légalité ? » a déclaré Véran alors qu’il accompagnait Macron à la Pitié-Salpétrière, affirmant par ailleurs qu’il s’agissait « d’assouplir » la loi sur la réduction du temps de travail.

Il envisage une « augmentation des rémunérations », sans plus de précisions. À quel niveau ? Pour quand ? Pour l’ensemble du personnel ou certaines catégorie ? Collectives ou au mérite ? Comme le dit le proverbe : « Quand c’est flou c’est qu’il y a un loup » !

Les 300 euros revendiqués par les personnels des hôpitaux et EHPAD, l’embauche à la hauteur des besoins, les moyens humains et matériels nécessaires pour bien soigner les patientEs, la sauvegarde de l’hôpital public devront être arrachés par la mobilisation massive de tous ceux et celles qui veulent que la santé ne soit pas une marchandise mais un droit pour tous et toutes.