Publié le Mercredi 30 septembre 2020 à 11h45.

À l’hôpital, « Je ne referai pas pour la deuxième vague ce que j’ai fait pour la première »

Inquiétude, colère et écœurement sont les sentiments dominants en cette rentrée dans les services hospitaliers. La « 2e vague » de patientEs touchés par le Covid-19 est là, sans que rien n’ait été fait pour l’éviter.

La crainte de voir le système hospitalier débordé et les équipes soumises à nouveau à des tensions insupportables est de nouveau présente. Les « lits Covid » se remplissent, les services de réanimation voient leur nombre de patientEs augmenter inexorablement. Dans certaines villes comme Marseille, les seuils de saturation sont atteints. La déprogrammation des autres activités de soins, avec toutes ses conséquences, pudiquement appelées « pertes de chances pour les patients », s’amorce.

Des conditions de travail insupportables

La situation est toutefois différente de celle du mois de mars. Les stocks de médicaments et de matériel ont été reconstitués. La connaissance du virus, de techniques plus adaptées pour le combattre et obtenir de meilleurs résultats ont progressé. Mais le système hospitalier n’est pas prêt, pour autant, à faire face et la situation est, par certains aspects, plus ­critique qu’au printemps.

La deuxième vague arrive sur des équipes déjà épuisées par la première et qui sont loin d’avoir récupéré. Cet épuisement se double d’une colère et d’un écœurement. Après le temps des « héros », des applaudissements, des promesses, après le « Ségur de la santé », rien n’a véritablement changé à l’hôpital, et rien ne laisse prévoir une amélioration des conditions de travail insupportables. Bien au contraire.

C’est avec l’espoir d’imposer les moyens d’un changement pour l’hôpital et pour leurs conditions de travail que les personnels s’étaient mobiliséEs au sortir du confinement, avec celles et ceux qui les soutenaient, lors de « mardis » et « jeudis » de la colère. Ils avaient manifesté par dizaines de milliers le 16 juin. Le « Ségur de la santé » et sa signature par trois organisations syndicales a cassé cette mobilisation et semé la division à la veille de l’été, période peu favorable aux mobilisations. En cette rentrée, à l’hôpital c’est le retour au monde d’avant en pire alors que la 2e vague arrive.

Ni embauches ni ouvertures de lits

Bien sûr, les augmentations de salaires sont les bienvenues, mais elles restent loin du compte et les 300 euros pour touTEs sont toujours attendus. Mais surtout, les recrutements qui auraient pu soulager les équipes fatiguées, améliorer la qualité des soins, ont été « hors sujet » au Ségur.
Aujourd’hui, dans la panique, les directions cherchent à recruter en catastrophe et sans grand succès.

Loin des ouvertures de lits annoncées, les restructurations et fermetures seulement suspendues reprennent. Ainsi au CHU de Caen, 360 lits vont être supprimés. Les témoignages de retour au monde d’avant s’accélèrent. Pour gérer l’austérité budgétaire qui se poursuit, les directions ont à nouveau recours au management pur et dur.

Et alors qu’il manque des dizaines de milliers d’emplois, le gouvernement publie un décret …pour organiser les suppressions d’emplois dans la fonction publique hospitalière.

Après les mesquineries et les divisions pour limiter l’attribution et le montant de la prime Covid, on assiste aux mêmes tentatives pour limiter l’application des revalorisations salariales, les personnels travaillant dans les structures médico-sociales n’en bénéficiant pas.

Enfin, le gouvernement revient sur son engagement d’accorder à tous les personnels ayant été malades du Covid la reconnaissance de la maladie professionnelle. Seuls les cas les plus graves ayant été placés sous oxygène pourront en bénéficier. Quant au « jour de carence » en cas de maladie, suspendu pendant l’épidémie, il est rétabli.

Une colère toujours présente

Épuisement, absence de reconnaissance, conditions de travail insupportables : la motivation qui avait fait tenir les personnels pendant des mois s’émousse. « Je ne refererai pas pour la deuxième vague ce que j’ai fait pour la première », disait un soignant, résumant bien l’opinion générale. Pas étonnant dans ces conditions que les militantEs sur le terrain constatent partout une vague de démissions, qui a son tour ne fait qu’aggraver la situation. Le recours à l’intérim, qui désorganise encore un peu plus le soin, se généralise.

La colère reste pourtant bien présente. La possibilité qu’elle se transforme de nouveau en mobilisation existe, avec la perspective d’un grand mouvement alliant les personnels hospitaliers et leurs soutiens, pour faire de la santé et de l’hôpital une priorité dans cette société et leur donner les moyens nécessaires.