Publié le Dimanche 24 octobre 2021 à 20h00.

Nos données de santé au risque du capitalisme numérique

Le covid a été l’occasion d’un passage en force du gouvernement sur les lois sécuritaires, mais aussi sur les données de l’e-santé. Le 23 avril 2020, il a pris un arrêté accélérant, au nom de l’état d’urgence sanitaire, le déploiement du Health Data Hub, qui doit collecter toutes nos données de santé.

Le secret médical risque d’être mis à mal

Pas de cahier des charges publié, pas d’appel d’offres. Il sera hébergé sur le cloud de Microsoft, qui possédera les clefs de chiffrement, et sauvegardé aux USA. Le Cloud Act étatsunien s’appliquera donc, qui peut forcer à la communication des données. Si l’on ajoute la généralisation des prises de rendez-vous sur Doctolib pour l’AP-HP ou la vaccination covid, le secret médical risque d’être bien mis à mal. Car même si les données sont anonymisées, les chercheurEs en sécurité informatique ont montré qu’avec trois données de santé, on peut assez facilement retrouver unE patientE.

Nos données de santé intéressent au plus haut point les capitalistes, des assurances, du médicament. Ils se gardent bien de communiquer là-dessus, mais de nombreuses affaires éclairent leur comportement. « Cash investigation » a par exemple révélé que la très discrète société Iqvia collectait, sans nous en informer, les données quotidiennes de la moitié des pharmacies du territoire. Le groupe AG2R gardait les données de santé de deux millions de clientEs, même après résiliation des contrats. La CNIL l’a condamné à 1,75 million d’euros d’amendes pour violation du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Aux USA, le Wall Street Journal a révélé l’accord secret entre Google et le groupe Ascension. Sans en informer les patientEs, les dossiers médicaux de 150 hôpitaux et 2 600 sites de soins ont été transféré à Google.

Mais nos données, ce ne sont pas seulement nos dossiers médicaux. Ce sont aussi le nombre de pas et d’escaliers que nous faisons chaque jour, notre poids et nos pulsations que relèvent notre smartphone ou notre montre connectée. La gratuité contre la collecte de ces données, c’est le business modèle des Facebook, Amazon, Google, Apple…

Un potentiel de 16 à 22 milliards d’euros par an

La loi OTSS, Organisation et transformation du système de santé, le volet numérique du Ségur, prévoit d’injecter deux milliards d’euros dans l’e-santé. L’enjeu doit être d’importance ! Le très libéral Institut Montaigne a chiffré le potentiel de l’e-santé en France entre 16 et 22 milliards d’euros par an. Pourvu qu’il y ait « une exploitation simplifiée des données de santé », en clair un accès plus grand du privé, et « la structuration de la filière du numérique en santé », avec notamment des économies de personnel ! L’État nous somme d’abandonner un peu de nos libertés, de nos exigences d’embauches, au nom de l’efficacité supposée de son e-santé. Tout faux. Deux exemples : les applications de type Stop covid ont juste été capables de tracer 4 % de tous les cas contacts à l’échelle européenne ; et les études anglaises d’efficacité sur le suivi en télémédecine de l’insuffisance cardiaque chronique sont très décevantes. Que faire des alertes, s’il n’y a pas de personnel médical derrière pour le suivi, l’éducation thérapeutique ? Alors qu’on aurait bien besoin du numérique pour le suivi des cancers (il n’y a toujours pas de registre national des cancers), le numérique en santé pour les profits, l’austérité et le contrôle social, c’est non… Leur monde est à l’envers de nos besoins. Nos données de santé sont pour nous, pas pour leurs profits ou le contrôle social !