L’anxiété est un marché, et une politique. La grippe, après les étrangers ou les jeunes de banlieue, permet au gouvernement tous les dérapages, qui révèlent au fond ses désirs secrets : le marché libre et un État fort.
Dans ses cartons, il prévoit une gestion de la grippe confiée au Ministère de l’intérieur, la suspension programmée du Code du travail au profit d’une flexibilité généralisée et nos libertés mises en sommeil à coup d’ordonnances dénoncées par le Syndicat de la magistrature.
En revanche, il ne prévoit pas de débat public sur la gravité de la pandémie et les moyens sanitaires d’y faire face, mais des milliards d'euros ont déjà dépensés pour une vaccination de masse, avec des vaccins mal testés, et du Tamiflu qui soigne surtout les cours de l’action Roche. Les pays du Sud, eux, attendent toujours les vaccins et les traitements pour les millions de morts du sida ou du paludisme.
Le tout sous les regards d’une presse à sensation qui veut vendre du papier.
Du côté du mouvement ouvrier, il n'est pas nécessaire d'adhérer à la théorie du complot (les labos qui lâcheraient les virus pour vendre des vaccins) pour comprendre les intérêts des capitalistes. Il ne faut pas penser que tout cela n'est que poudre aux yeux, cela nous détournerait des vraies questions. Car si la grippe A est bien loin de la mortalité de la grippe aviaire, elle est aussi très contagieuse, et pose les questions du droit à la santé, des urgences sociales face à la pandémie et de sa naissance dans le ventre des usines à porc de l’agrocapitalisme.
Le gouvernement en fait trop ? Il fait surtout mal ! Le mouvement social doit porter ses propres exigences sociales, écologiques, sanitaires… donc politiques, en lien avec une expertise indépendante.
Le vaccin malade du profit ?
Face à la grippe saisonnière, une vaccination non obligatoire et ciblée sur les personnes âgées et fragilisées a fait la preuve de son efficacité. La revue médicale indépendante Prescrire, qui tire souvent à boulets rouge sur les labos, nous apprend que ce vaccin, s’il est peu efficace sur la fièvre et les courbatures, réduit de 50% les complications et de 80% la mortalité. Mais face à la grippe A, avant tout débat sur la stratégie de vaccination, le gouvernement français a décidé d’une vaccination de masse et d’urgence, n’hésitant pas à payer le vaccin quatre fois son prix, pour un total d'un milliard d’euros, pour vacciner en deux doses 45 millions de français.
Les capacités de production sont limitées pour ne pas confronter « les industriels à un risque économique et financier non négligeable », comme l’a expliqué le Pdg de Sanofi. Alors, pour produire vite et beaucoup, gouvernement et labos rajoutent des adjuvants dans le vaccin, comme le thiomersal et le squalène. Les tests des vaccins sont réduits au minimum. Les labos se souvenant qu’en 1976, la vaccination de masse, décidée aux USA, avait favorisé l’apparition de paralysies ascendantes (Guillain barré), ont obtenu que les éventuels accidents de vaccination soient pris en charge par l’Office national pour les aléas thérapeutiques. Privatisation des profits et socialisation des pertes !
Or, le thiomersal, composé à 40% d’éthylmercure, est mis en cause pour sa toxicité neurologique, notamment chez les enfants et les femmes enceintes. L’OMS, l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ont demandé le retrait du thiomersal des vaccins pour enfants. Il est alors retiré des vaccins anti-grippe. Mais l’agence européenne a changé d’avis, sous la pression des lobbies. Le squalène est, lui, accusé d’être responsable d’une hépatite auto-immune sur 101 enfants d’un essai clinique espagnol, en 2007. Il favorise l’apparition de polyarthrite rhumatoïde chez les rats de laboratoire. D’ores et déjà, pour les femmes enceintes et les enfants en bas âge, ces choix sont inadmissibles.
Pourquoi prendre ce risque pour la santé, alors que la mortalité de la grippe A semble peu supérieure à celle de la grippe saisonnière dans la population générale ? Pourquoi abandonner la vaccination ciblée? Pour l’espoir – illusoire – de garder la France au travail et garantir les profits ? Au-delà de la liberté de vaccination pour chacun, du consentement éclairé qui ne peut se faire avec les deux minutes par personne de la vaccination à la chaîne proposée par le gouvernement, nous exigeons la sortie de vaccins sans adjuvants et un débat public sur la balance bénéfice-risque de la stratégie de vaccination.
Alors que les crédits de recherche pour un vaccin contre le sida et le paludisme sont, depuis des années, de vraies urgences sanitaires mondiales, les labos privés de la vaccination concentrent leurs recherches sur des vaccins au bénéfice sanitaire incertain (comme le gardasil…), mais aux profits assurés. Comme le dit la mission d’information parlementaire sur la grippe aviaire : « Dans une économie de marché, il est difficile de demander à des industriels d’engager des investissements dont la rentabilité est douteuse ». Décidément, la vaccination est une chose beaucoup trop importante pour être laissée aux intérêts des labos ou de l’État.
Le droit du travail victime de la grippe
Sarkozy et Darcos l’ont rêvé. La grippe l’a fait. Sous prétexte d’urgence pandémique, la circulaire de la Direction générale du travail du 3 juillet 2009 prévoit d’augmenter le volume horaire « par décision unilatérale de l’employeur », précisant que « le refus du salarié, sauf s’il est protégé, constitue une faute pouvant justifier le licenciement ». « Allongement de la durée quotidienne de travail au-delà de la limite de dix heures (…) dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail effectif de 48 heures (…) limitation du droit de retrait », suppression du contingentement des heures supplémentaires, tout est fait pour la continuité des profits, alors que quasiment rien n’est dit sur la santé des salariés. Les instances du personnel ne seront d’ailleurs que consultées.
Les plans de continuité d’activité privilégient les sources de profit, les grands comptes, la continuité de l’État et la flexibilité. Nos priorités sont l’information et la sécurité de tous les personnels (les intérimaires et les sous-traitants sont parfois « les oubliés » des masques et de l’information), du public, des installations et le service au public.
Nous voulons le contrôle ouvrier sur toutes les décisions, pour faire entendre nos exigences (CHSCT, CTP…).
Decathlon, par exemple, veut élargir les horaires d’ouverture et ouvrir le samedi et le dimanche « pour diluer » les contacts et maintenir ses profits. A l’opposé, en cas de pic pandémique, nous sommes pour la fermeture de magasin, assortie de l’exigence du paiement à 100% des salariés, ce qui libérera, d’ailleurs, des personnes pour garder les enfants, en cas de fermeture d’écoles. La circulaire du travail prévoit que cela soit pris sur « les congés annuels, congés au titre de la RTT et congés épargnés sur le CET ».
La grippe, ce n’est pas des vacances. Si fermeture il y a, elle doit être prise en charge à 100% par l’employeur, avec la suppression du délai de carence de trois jours sur les indemnités, en cas d’arrêt-maladie.
Urgence grippale contre la loi Bachelot
Aujourd’hui la grippe A n’est guère plus dangereuse que la grippe saisonnière. Mais elle est très contagieuse, et pourrait toucher 15 à 30% de la population.
Elle va révéler les fragilités d’un système de santé et de solidarité qui combine les difficultés d’accès aux soins pour les plus pauvres (dépassements d’honoraires, refus de CMU, 30% des patients retardant leurs consultations), l'isolement pour les personnes âgées ou les Sdf, les inégalités géographiques et l'austérité pour tous. Cela se ressentira dans les hôpitaux, déjà débordés par une simple grippe saisonnière. Le Tamiflu n’y changera rien. Les milliards d’euros dépensés pour constituer les stocks exigés par l’Oms ne serviront qu’à grossir les profits de Roche, tant cet anti-viral semble peu efficace.
Contre la loi Bachelot, la fermeture de lits, d’hôpitaux de proximité, les plans de retour à l’équilibre des CHU qui prévoient 30000 suppressions de postes et la concurrence avec le privé, l’urgence grippale nous invite à accorder toute sa place à un service public de santé solidaire, pour les jours de grippe comme pour les autres.
A l’hôpital public, les plans blancs vont reporter tout ce qui concerne l'hospitalisation programmée, pour consacrer toutes les ressources aux complications de la grippe. Le privé et ses dépassements d’honoraires sont en embuscade, pour capter cette médecine rentable.
Urgence sanitaire ! Tous les lits privés ET publics doivent être utilisés, réquisitionnés, avec interdiction des dépassements d’honoraires. Il faut aussi remettre en avant la question de la gratuité (les masques sont bien gratuits…), le tiers payant généralisé, le refus des tickets modérateurs, des forfaits hospitaliers, pour affirmer le caractère universel du même droit à la santé pour tous.
Alors que débute l’épisode grippal, le déremboursement du paracétamol et la fermeture du service des maladies infectieuses de l'hôpital St Joseph, à Paris, illustrent jusqu’à l’absurde que le gouvernement fait passer la course à la rentabilité de la santé avant le droit à la santé pour tous.