La situation est totalement inédite, et l’on prévoit une immense récession que les gouvernements voudront faire payer aux peuples. Mais elle nous raconte aussi autre chose. En restant très prudent, car les différences sociales sont importantes, des constats s’imposent : les émissions de gaz à effet de serre ont chuté, les avions quasi disparu du ciel, moins de voitures circulent, les consommations sont plus locales, et le rythme trépidant s’est brisé. Sous les crânes, la tempête, des questionnements sur tout. Et si après le 11 mai on changeait tout ?
Alors, « repartir de plus belle » ?
Christine Lagarde, présidente de la BCE, a donné le cap le 9 avril. Parlant de la fin du confinement, filant la métaphore du coureur contraint de stopper son entraînement – l’économie mondiale à l’arrêt – elle a été sans ambiguïté : « Et on pourra repartir de plus belle ! » Le monde de l’après-Covid-19 n’est vu qu’en continuité avec le monde d’avant, le monde de la compétition, de la concurrence, du profit par la rotation accélérée des capitaux et des marchandises. Comme le dit si crûment le directeur de l’OFCE, « il faut que les ménages re-consomment comme avant en puisant sur l’épargne forcée ». Dans ce scénario, le prix effondré du pétrole est vu comme une opportunité formidable. Déjà le Medef veut imposer un moratoire sur les très timides contraintes environnementales en chantier au Parlement.
Ou bien « tirer les freins d’urgence » ?
« Il se peut que les révolutions soient l’acte par lequel l’humanité qui voyage dans le train tire les freins d’urgence. » Ainsi s’exprimait Walter Benjamin en 1940, discutant l’idée de Marx des révolutions comme locomotive de l’histoire mondiale. Le capitalisme nous a fait entrer dans une nouvelle ère, l’Anthropocène, ère de la rupture de tous les équilibres antérieurs de long terme de la vie sur Terre. La multiplication des phénomènes extrêmes comme les mégafeux et le Covid-19, ainsi que le réchauffement climatique, en sont des manifestations.
Mais les capitalistes ne nous remettront pas les clés !
Pour la baisse massive du temps de travail, pour les investissements décidés par nous, pour l’autogestion et l’auto-organisation, les capitalistes sont l’obstacle majeur. Pour le soin, la sobriété, la vie bonne… ils n’ont que mépris, eux les obsédés du profit à court terme.
Les reconversions si urgentes de secteurs entiers, avec la continuité de salaire, l’extension du domaine de la gratuité et des services publics, le renforcement de la Sécurité sociale, la répudiation de la facture Covid-19 que Macron va nous présenter, sont autant de luttes auxquelles nous participons. Elles heurtent de front le productivisme, l’extractivisme et le consumérisme effréné intrinsèques au capitalisme.
Depuis le 17 mars, de manière temporaire, la pollution, les gaz à effet de serre, certaines productions inutiles ont diminué, le travail des « dernières de cordée » s’est révélé comme le plus vital. Il faut empêcher qu’à la brutalité du confinement – rendu nécessaire par les circonstances – ne succède la très grande violence de la reprise à leurs conditions. Le profit est discrédité comme jamais. C’est le moment pour imposer l’arrêt d’urgence, les ruptures durables, les solutions de long terme écosocialistes. L’heure est à l’inédit et à la plus grande détermination.