L’entretien avions est en pleine expansion, mais pourtant le nombre de salariéEs « Air France Industries » est resté stable : 8000, alors que le chiffre d’affaires est en hausse constante (8% en 2019) à 3 milliards d’euros.
Les patrons, pour baisser le coût de la main d’œuvre, ont suivi plusieurs pistes. Les progrès de productivité due à l’informatique ? Ils existent mais ne suffisent pas. Car les robots ne sont pas encore là qui pourraient aller dans l’avion, inspecter et nettoyer les câblages et les surfaces, remplacer les pièces… Il faut heureusement toujours des humains, avec leur intelligence et leur habileté corporelles.
La piste de la sous-traitance à l’étranger a également été explorée. Air France a développé des centres de maintenance dans plusieurs pays : Miami pour capter l’Amérique latine car le marché US reste ultra protégé, Shangai pour l’Asie, Casablanca pour l’Afrique. Mais les avions Air France font essentiellement des allers-retours au départ de Paris. La main-d’œuvre y est donc toujours nécessaire.
En France, il existe une myriade de sociétés de sous-traitance, dont les actionnaires sont un peu toujours les mêmes. Air France a développé la théorie selon laquelle elle garderait la maitrise technologique et intellectuelle et qu’il suffirait de louer des bras pour effectuer les travaux. Et l’on retrouve dans ces sociétés beaucoup de salariés d’origine africaine et maghrébine, l’accès aux emplois « Air France » étant apparemment plus difficile pour ces catégories. Ce que confirme l’étude récente sur les discriminations à l’embauche qui voit apparaitre Air France en bonne place…
Air France a fermé son école historique de formation des mécanos, poussant l’Éducation nationale à ouvrir des formations plus généralistes. Et les places disponibles ont été au niveau d’un Smic amélioré dans ces entreprises de sous traitance, que l’on peut augmenter par des primes de déplacement, des heures sup, des primes d’intérim…
Une riposte sur plusieurs fronts
D’abord, sur celui de la sécurité : développer la sous-traitance, c’est développer des écrans, des opacités sur la manière de travailler, et dans un monde où c’est le profit maximum qui jouera de la survie de tel ou tel, les pressions sont nombreuses pour faire baisser les coûts, et tôt ou tard les marges de sécurité sont attaquées, sauf si une pression syndicale ou politique les contrebalance. L’ultralibéralisme attaquant les contrôles étatiques, seul le contre-pouvoir syndical et une position non précaire des mécanos permet de maintenir le niveau de sécurité. Les mésaventures de Boeing avec les deux crashs des B737 (346 mortEs) étant là pour rappeler à tous les acteurs qu’à trop jouer sur les marges et la sous-traitance de systèmes entiers, on peut risque gros !
Il est frappant qu’Air France, quand il fait réaliser des reportages sur la maintenance de ses avions, cache systématiquement les sous-traitants et ne fait apparaitre sur les images que des personnels « Air France ».
En novembre 2016 un projet de filialisation d’Air France Industries était retiré après une mobilisation ultra massive des salariés. Défendant un entretien Air France des avions Air France.
Air France a donc été contraint de maintenir un certain nombre d’embauches. Mais l’entreprise a tellement réduit les formations qu’on manque de mécanos qualifiés sur le marché. Avec du coup une pression à la hausse sur les salaires. Tout le monde fait des économies, y compris l’Éducation nationale, et la main-d’œuvre qualifiée manque…
En 2017, une grève de mécanos Air France a éclaté suite à l’embauche extérieure d’un mécano au salaire plus élevé que les collègues avec la même ancienneté… D’où des revendications de hausse de salaire qui ont été gagnées pour une partie des mécanos. Cette lutte a ouvert la voie au mouvement général sur les salaires avec les pilotes en 2018, aboutissant à la démission du PDG Janaillac et une hausse de 4% des salaires. Avec aussi la suppression de la filiale Joon et l’intégration de 400 hôtesses et stewards.
Salaires et effectifs sont liés, la bataille est permanente
La pression patronale est incessante pour réduire le temps des visites, en augmentant la pression sur le temps de travail, changements d’horaires, travail le week-end et polyvalence des tâches, niant la nécessaire spécialisation… La force des salariéEs étant leur réaction collective (syndicats, collectifs s’appuyant sur les réseaux sociaux), s’appuyant sur le respect de la sécurité qui fait souvent reculer la direction. Laquelle, à force de mépriser la formation et le savoir, en arrive à être ignorante de la réalité du travail. Les marges de manœuvre sont plus grandes alors pour les salariéEs organisés ; la lutte a encore de beaux jours devant elle !