Les institutions représentatives du personnel (IRP), c’est-à-dire les délégués du personnel (DP), les comités d’entreprise (CE) et le comité d’hygiène et sécurité et conditions de travail (CHSCT) sont des éléments essentiels de l’action des organisations syndicales dans les entreprises.
La spécificité des IRP françaises repose sur le fait qu’elles ont été mises en place dans des situations de rapport de forces plutôt favorable aux travailleurEs. Les déléguéEs du personnel dans la foulée des grèves de juin 1936, les comités d’entreprise comme concession aux forces politiques et syndicales de gauche au sortir de la Seconde Guerre mondiale, et les CHSCT suite à la victoire électorale de la gauche en 1981.
Une institutionnalisation…
Les DP et le CE ont, au fil des années, perdu l’essentiel de leur dimension de contestation de l’ordre patronal. Il se sont le plus souvent empêtrés dans les routines et le système technocratique, tant dans la vie quotidienne des entreprises que dans les batailles sur les fermetures d’entreprises et les licenciements. Ces instances sont perçues par une majorité de salariéEs comme des enjeux de rapport de forces entre syndicats, et l’activité la plus visible des CE concerne des œuvres sociales qui elles aussi ont perdu beaucoup de leurs aspects contestataires. Les CHSCT, malgré les tentatives d’intégration comme caution aux politiques patronales en matière de santé et de sécurité sont devenus, dans les faits, l’instance la plus gênante pour le patronat.
… jugée insuffisante
Mais tout ceci est encore trop gênant pour le patronat et, surtout, ne correspond pas aux exigences de l’heure. La crise économique permanente, essence même du système capitaliste, impose d’affaiblir toujours davantage les droits des salariéEs, à l’image de ce qu’ont réussi les bourgeoisies britannique, allemande, italienne, étatsunienne, dans la logique Thatcher-Reagan. La limitation maximum des droits et des recours dans les procédures de licenciement, ainsi que la réduction des prérogatives des IRP, sont au cœur des ordonnance du gouvernement Macron.
Dans ce cadre les organisations syndicales sont placées devant un choix essentiel :
– S’intégrer davantage dans le cadre de comités sociaux économiques (CSE), vers toujours plus de caution des politiques patronales, avec des prérogatives très largement augmentées dans le cadre de l’inversion de la hiérarchie des normes. Une voie étroite, car il n’est même pas évident que le patronat français, notamment du fait de la « crise » et des imbrications internationales des activités économiques, souhaite ou puisse jouer cette carte.
– L’autre voie est celle de l’affirmation d’un syndicalisme de classe, c’est-à-dire qui refuse de s’inscrire dans la logique du dialogue social, mais aussi démocratique car cette dimension est plus que jamais nécessaire pour asseoir les mobilisations sur les revendications des salariéEs. Une voie étroite aussi, car la répression patronale et gouvernementale pourrait bien s’amplifier avec la précarisation des représentantEs du personnel combatifs dans le cadre des nouvelles IRP.
Robert Pelletier