Publié le Lundi 27 juin 2016 à 08h10.

Nuit Debout : tirer les bilans pour recommencer ?

La mobilisation a été marquée par le mouvement Nuit debout, avec ses occupations de places, en particulier place de la République à Paris mais aussi dans de nombreuses autres villes. Le mouvement a fait écho aux dernières luttes internationales qui ont allié occupations de places et mobilisation de masse, comme à Tahrir ou comme le mouvement des Indignés.

La place de la République paraît étrangement vide, le mouvement Nuit debout n’aura pas résisté à la répression policière ni au manque de perspectives… Pourtant s’il n’a pas réussi à trouver les bonnes réponses, il a posé les bonnes questions.

Organiser les précaires

Les médias voulaient nous faire croire à un public « bobo » ou petit-bourgeois, pour décrédibiliser ce mouvement : un public de privilégiés qui se battraient contre une loi qui ne les concerne pas. La réalité en était bien éloignée. Si le mouvement était largement composé de personnes ayant fait des études, ils étaient aussi majoritairement des précaires, chômeurEs, des salariéEs d’endroits peu ou pas syndicalisés comme des salariéEs de PME, des fast-food, du commerce.

Car oui, les plus concernés par la loi sont aussi celles et ceux pour qui c’est le plus difficile de se battre, de faire grève : ce sont les oubliéEs du mouvement ouvrier traditionnel, et pourtant ils n’en font pas moins partie. Ils sont une fraction de la classe ouvrière : la plus atomisée. Nuit debout a pu permettre de s’organiser, de tenter de répondre à la question de comment relever la tête pour toute une génération de travailleurEs précaires, de ­chômeurEs, etc.

Faire converger les luttes

L’idée de Nuit debout était aussi de faire converger nos luttes. Ainsi, Nuit debout posait la question de faire converger les secteurs en lutte, en ayant un endroit pour discuter de la question de la grève, de son extension, de sa reconduction… de la grève générale ! Mais il s’agissait aussi de faire converger toutes les luttes : celles des migrantEs, écologistes, féministes, LGBTI, pour le droit au logement...

Nuit debout allait plus loin que le mouvement lui-même : il ne fallait pas seulement faire tomber la loi travail mais aussi le « monde » qui l’avait engendrée. Si des convergences exemplaires ont pu émerger, cela est resté trop partiel, et avec une difficulté de taille : il n’y avait pas à ce moment-là de secteurs en lutte, dans le sens d’une grève majoritaire reconductible.

S’auto-organiser pour construire une autre société

Enfin, la question de l’auto-organisation était au centre du mouvement. Décider par nous-mêmes, occuper les places publiques pour faire de la politique, poser la question de la démocratie directe, de la démocratie de la rue plutôt que la pseudo-démocratie parlementaire... Toutes ces questions se sont posées dans Nuit debout pour comprendre que s’auto-organiser permettait de construire une autre société, où la majorité déciderait pour elle-même.

Pourtant, nous nous sommes arrêtés à mi-chemin, paralysés par de nouvelles méthodes de démocratie pas vraiment plus démocratiques, sans arriver à entraîner la majorité vers l’action. Car pour construire une autre société, il nous faudra renverser ce système, ce qui commence par une grève massive et reconductible... et par dégager ce gouvernement.

Ce que nous avons acquis, les réflexes que nous avons pris dans ce mouvement ne pourront pas nous être retirés, et il faudra recommencer – encore et encore – pour faire émerger une autre société.

Mimosa Effe