Avec la poursuite de l’offensive néolibérale, l’information est de plus en plus considérée, à l’instar de l’éducation et de la santé, comme une marchandise. Comment lutter contre ce phénomène ?
On a en effet tendance à oublier que l’information est un droit et devrait donc être traité comme un bien commun. Or la marchandisation généralisée de l’information a une double conséquence : appauvrissement de la qualité des contenus, dégradation des conditions de travail des journalistes et de l’ensemble des salariéEs des médias.
L’une des premières et principales réponses face à cette tendance est la refondation et l’extension du service public de l’information et de la culture. Ce service public devra être totalement libéré des logiques mercantiles et rendu indépendant du pouvoir politique. Il devra respecter les droits des salariéEs, journalistes, personnels administratifs et techniques, mettre fin au recours de plus en plus systématique aux contrats précaires, et réintégrer la production des programmes, toujours davantage sous-traitée au privé, au sein du service public.
Il s’agit en outre d’imaginer un service public de l’information qui associerait « grands » médias audiovisuels publics et médias associatifs, avec une politique de soutien à ces derniers, qui passerait notamment par une refonte du système des aides publiques à la presse, qui bénéficient aujourd’hui en premier lieu à des titres nationaux possédés par des grands groupes capitalistes.
Comment faire pour freiner l’appétit de ces grandes fortunes qui, à l’instar de Bolloré, Patrick Drahi ou Xavier Niel, se construisent de véritables empires médiatiques ?
Le secteur des médias est de plus en plus victime de processus de concentration et de financiarisation, à un point tel qu’une dizaine de grandes fortunes concentre entre ses mains plus de 90 % des moyens d’information. L’appropriation privée des médias est la racine des deux problèmes principaux que posent les médias dominants : leur faible indépendance à l’égard des pouvoirs économique et politique, et le pluralisme (idéologique, politique, culturel) anémié qui les caractérise.
Au-delà de la refondation et de l’extension du service public, il s’agit de mettre en place une véritable législation anticoncentration destinée à empêcher grands groupes et grandes fortunes d’accaparer toujours davantage de médias. Outre la définition d’un seuil de concentration capitalistique, ainsi que d’audience ou de diffusion, une personne, un groupe de personnes ou une entreprise ne devrait pas pouvoir posséder plus d’un seul titre ou canal.
Il faut par ailleurs interdire par la loi à des entreprises bénéficiant de commandes publiques – comme aujourd’hui Dassault, Lagardère ou Bouygues – de détenir, même indirectement, des médias, tant ce mélange des genres favorise structurellement les conflits d’intérêts.
Quel type de contre-pouvoir peut-on envisager dans le champ médiatique lui-même ?
Il est aujourd’hui nécessaire de définir un réel statut juridique pour les rédactions, avec droit de regard, voire de veto, sur les décisions économiques et éditoriales de « leurs » médias. Les cas récents de la violente reprise en main d’i-Télé par Bolloré, du licenciement politique d’Aude Lancelin à l’Obs ou de la fermeture annoncée du service de macro-économie de la Tribune sur décision d’un actionnaire qui pense que l’information économique ne doit pas être critique, illustrent une tendance de plus en plus forte : celle des ingérences des propriétaires des médias au sein des orientations éditoriales, avec la complicité de leurs hommes-liges nommés dans les rédactions, sans que ces dernières aient la possibilité de faire autre chose que voter des motions de défiance qui demeurent sans effet.
Qui plus est, le CSA, organisme totalement fantoche et d’une inutilité crasse, doit être remplacé par un véritable organisme de supervision des médias (pas seulement audiovisuels). Cet organisme associerait la représentation politique, les salariéEs des médias et leurs usagers, et serait notamment en charge de la répartition des aides publiques à la presse, du respect des chartes éthiques et déontologiques qui devraient exister au sein de chaque rédaction, ou encore de l’attribution des fréquences et des canaux de diffusion.