Depuis plus de 6 semaines l’élan des mobilisations contre les projets de Blanquer, initiées à Nantes, Angers, Le Havre, puis relayées par les autres académies, en particulier en région parisienne, a été très largement relativisé voire invisibilisé dans les médias et la communication du gouvernement. Par contre, samedi 13 avril et lundi 15 avril, tous les médias se sont précipités à Saint-Denis pour développer un sujet qui leur est cher : la violence à l’école.
À Saint-Denis, en tout cas, le déferlement médiatique n’a pas fait illusion, et a, au contraire, augmenté la colère. En effet, la base du rejet par les enseignantEs et les parents des réformes Blanquer (école de la confiance, réformes du bac et de la voie professionnelle), c’est qu’elles vont démultiplier les inégalités sociales, sources de la violence. En diminuant le nombre d’enseignantEs, les heures de cours dans les disciplines qui développent la réflexion et l’esprit critique, ces réformes vont à l’inverse de ce qui serait nécessaire.
Une violence bien présente
Car la violence est effectivement présente, en permanence, dans les écoles du fait d’enfants et de jeunes qui sont acteurEs et victimes de cette violence. Les épisodes se sont multipliés, dans les collèges et lycées de Saint-Denis, d’irruption, dans les cours des établissements, des rivalités entre quartiers, aboutissant à des intrusions avec armes diverses et règlements de comptes, qui en appellent d’autres. Ces violences ont tué, en septembre, un jeune de 16 ans déscolarisé. Depuis début mars, un autre jeune de 22 ans est dans le coma, après son agression par une dizaine de jeunes dont l’un de 16 ans est en prison, déscolarisé après son exclusion en octobre dernier. Ces violences marquent la vie de touTEs les jeunes des établissements, provoquent des annulations de cours (de sport en particulier, quand ils se pratiquent à l’extérieur des établissements), la déscolarisation rampante voire complète de dizaine de jeunes. Les violences atteignent parfois les enseignantEs. Ainsi, en février, un professeur a été frappé devant son collège, et le jeudi 11 avril c’est dans sa classe qu’une jeune professeure a été menacée par un élève déscolarisé qui lui a tiré dessus avec un pistolet à billes.
« Médiation » ?
Il ne s’agit donc en aucun cas de minimiser les violences, mais bien d’entendre les pistes de travail qui émanent, nombreuses, des parents et des enseignantEs qui s’efforcent de réfléchir ensemble. Il est évident que les réponses ne peuvent être le renforcement et le durcissement des mesures sécuritaires mise en œuvre depuis des années et qui franchissent toujours des crans supplémentaires, malgré leur impuissance patentée. La région propose ainsi de réhausser les grilles, d’installer des caméras et maintenant d’implanter dans des lycées des « Brigades mobiles de sécurité », composées de 14 hommes et une femme, recrutés sur leur profil physique et professionnel, à même d’assurer ce que Mme Pécresse appelle la « dissuasion », mais qui est rebaptisée dans les établissements du terme passe-partout de « médiation ». La médiation en uniforme et gants de protection à la ceinture : un nouveau concept bien dans la lignée de la criminalisation de la jeunesse. C’est le concentré d’une politique de l’État et des institutions qui n’a que la violence de la répression pour imposer des politiques qui sont en contradiction avec les besoins réels de celles et ceux qui les subissent.
Réaffirmer les besoins réels
La priorité pour les parents et enseignantEs mobilisés pour manifester le 13 avril et pour « accueillir » Valérie Pécresse le 15 avril au LP Bartholdi, ainsi que le recteur de l’académie de Créteil au collège Elsa Triolet, était de dénoncer cette spirale sécuritaire. Mais aussi de réaffirmer les besoins réels : besoins d’enseignantEs pour des cours en petits groupes, d’assistantEs d’éducation pour une présence éducative dans les établissements, pour créer des liens avec les associations qui travaillent dans les quartiers, besoin d’infirmières et d’assistantes sociales dotées de moyens financiers pour engager des actions pédagogiques, accompagner les jeunes et leurs familles, besoins de moyens pour faire vivre des CDI, des clubs dans lesquels les jeunes puissent s’épanouir. Bref l’inverse quasi terme à terme des projets de Blanquer.
Cathy Billard