Le musée de Saint-Germain-en-Laye présente jusqu’au 26 avril « Golasecca », exposition évoquant « le commerce et les hommes à l’âge du fer (viiie-ve siècle av. J.-C.)» dans l’Europe de l’Ouest : Gaulois ou autres, ils étaient tous « sans papiers » ! Sans parler du château qui l’abrite, où des rois naquirent (Henri ii, Charles ix, Louis xiv) et moururent (Louis xiii), et où se conclurent aussi des guerres et des paix, peu d’institutions semblent aussi intimement liées à l’idéologie de « l’identité » française que le musée d’archéologie nationale (MAN), fondé sous le nom de musée des Antiquités nationales de la France par Napoléon iii, qui avait aussi fait ouvrir les fouilles d’Alésia, Gergovie, etc., autant par « celtomanie » personnelle que par souci de battage militaro-nationaliste.
Mais, grâce à la qualité et à l’indépendance de ses savants, le Man s’était vite affranchi de cette hypothèque chauvine, et il est réconfortant d’observer que ses expositions de ces dernières années ont évité tout ce qui aurait pu servir la promotion gouvernementale d’une « identité nationale » xénophobe. On le constatera mieux encore avec « Golasecca »1, du nom d’un bourg d’Italie à la limite de la Lombardie et du Piémont, au bord du Tessin, juste au débouché du lac Majeur. Des fouilles y ont révélé, de 1824 à ces dernières années, des sépultures à crémation de la tradition celtique la plus ancienne (Hallstatt), recelant des objets en métal et céramique de fabrication locale ou de provenance lointaine, indices d’une société commençant à s’urbaniser, à compter des artisans spécialistes et probablement aussi une élite que distinguaient ces objets de luxe.
Mais des productions typiques de cette « culture de Golasecca » ont également été retrouvées en Suisse, dans le sud-ouest de l’Allemagne, dans l’est et le centre de la France et jusqu’en Sicile, suggérant l’ampleur des échanges dont la vallée du Tessin fut le passage obligé ou même le foyer. De ces sociétés qui commerçaient ainsi avant la deuxième phase de l’expansion celtique (La Tène), les archéologues ne parlent qu’avec extrême prudence et contre toute idéalisation. Mais à leurs yeux cette dispersion si large d’objets n’a pu se faire sans mélange de populations, mariages « mixtes » et transmission d’usages nouveaux (tel celui du vin chez les buveurs de cervoise et d’hydromel), avec un sens de l’hospitalité que les Celtes tenaient peut-être de leur passé de « bandes d’émigrants », comme disait l’archéologue, Henri Hubert.
Seuls des rapprochements minutieux ont permis aux spécialistes italiens, français, suisses et allemands travaillant sur cette culture d’en esquisser cette image vivante à partir de ses sépultures. C’est que « nationale » ou non, l’archéologie est absolument incompatible avec l’esprit de clocher et procède avant tout par comparaisons. On finira de le vérifier au sortir de cette belle exposition en visitant le reste du musée, dont les très riches collections s’étendent jusqu’à l’Afrique, l’Asie et même jusqu’à la Nouvelle-Guinée. Gilles Bounoure1. Catalogue du même titre, très détaillé, avec lexique fort utile pour s’initier à l’archéologie.