Publié le Samedi 20 mars 2010 à 12h42.

Hommage: c’est un joli nom, camarade

Jean Ferrat est mort le 13 mars, à l’âge de 79 ans. Durant des décennies, il a, par ses chansons et ses engagements militants, accompagné de nombreux combats populaires et anticolonialistes. Pour qui a été jeune au milieu des années 1960, même pas besoin d’avoir eu des parents communistes pour être imprégné des chansons de Jean Ferrat : il suffisait amplement qu’ils soient de gauche ! Certes, Jean Ferrat était catalogué « compagnon de route du PCF » : une fidélité remontant à l’enfance quand des militants communistes permirent à Jean Tenenbaum (son vrai patronyme) d’échapper aux persécutions antisémites dont fut victime son père, mort à Auschwitz. Mais, pendant plus de 40 ans, il a mis en musique et incarné les révoltes et les espoirs du peuple de gauche dans toute sa diversité, à travers ses chansons de lutte. Et, bien sûr, ses chansons d’amour… Rarement un artiste a autant été le synonyme d’une culture à la fois militante, de grande qualité et vraiment populaire. Véritable passeur entre l’univers de la culture et le monde du travail, il a contribué à faire partager son goût de la poésie – notamment celle de Louis Aragon – à de nombreux hommes et à de nombreuses femmes des milieux populaires qui n’y auraient sans doute pas eu accès sans l’intermédiaire de la musique et de sa voix. Cette voix chaude et puissante aurait pu lui assurer une carrière balisée s’il n’avait eu le mauvais goût, dès ses débuts, de parler des problèmes sociaux et des guerres coloniales… De manifestations en fêtes de l’Huma, ses œuvres ont rythmé les activités de générations entières de militants, car elles étaient à l’unisson des combats du mouvement ouvrier et populaire, à commencer par la bataille contre l’oubli du génocide hitlérien avec Nuit et brouillard (1963), le sort des enfants africains avec Quatre cents enfants noirs (1963), l’exode rural avec La montagne (1964), l’anticléricalisme avec Le sabre et le goupillon (1965) et l’insoumission des marins du Potemkine (1965). On a aujourd’hui peine à le croire : en ces années de domination gaulliste et de soumission des médias au pouvoir politique, la chanson Potemkine fut interdite d’antenne et son interprète interdit de télévision ! Naturellement, la bêtise des censeurs fut sans effet. Jean Ferrat devait par la suite chanter bien d’autres combats, de la lutte contre la guerre du Vietnam à la solidarité avec le peuple chilien victime de Pinochet, des grèves ouvrières aux combats féministes, de la révolution cubaine à Ma France, « celle des travailleurs ». Après 1968, le PCF utilisa volontiers certaines de ses chansons – dont Pauvres petits cons, créée en 1967, dans la lutte « anti-gauchiste ». Des années plus tard, Jean Ferrat s’en défendait, y voyant un contresens. Ces dernières années, il était aussi intervenu dans la vie politique : s’il était très attentif aux combats menés par « le petit facteur », son aspiration à l’unité l’avait conduit à soutenir la candidature de José Bové en 2007 et, plus récemment, les listes du Front de gauche. Son espérance communiste avait été mise à mal par le stalinisme comme en témoignent Camarade (sur le Printemps de Prague) et Le bilan, cinglante réplique aux propos de Georges Marchais. Mais, en 1991, après la débâcle de l’URSS et des pays de l’Est, c’est encore d’espérance communiste dont parle Dans la jungle et dans le zoo… François CoustalRetrouvez l’interview de Jean Ferrat réalisée pour Rouge en 2001 sur www.npa2009.org