Publié le Vendredi 23 avril 2010 à 14h07.

Musique : interview de "troisième œil"

Le collectif Troisième œil est composé de Boss One, Mombi (alias Joe Popo), DJ Ralph et DJ Bomb. Ces artistes sont en quelque sorte les petits frères du groupe IAM. Les rappeurs ont fait leurs débuts sur les productions marseillaises, participant à des albums de Khéops, Shurik’n, Kif-Kif et IAM. Mais ils ont surtout effectué leur apprentissage sur la scène avec une cinquantaine de concerts, avant de signer avec Côté Obscur, le label des membres d’IAM. Leur premier album Hier Aujourd’hui Demain est sorti en 1999. Issus de la cité Félix-Pyat, réputée la plus terrible d’Europe, les membres de Troisième œil dénoncent la situation médiocre du nord et de l’est de la citée phocéenne. Il émane un message positif de ce rap intelligent qui prend en compte la réalité, la « vraie », celle qui dénonce la criminalité et la drogue qui sont bel et bien présents, comme dans les films, dans la vie quotidienne des jeunes Marseillais.

La chanson Si triste, tirée de l’album Hier Aujourd’hui Demain, a un peu plus de dix ans. Qu’évoque pour vous ce texte aujourd’hui ?En fait, on a écrit cette chanson à un instant T, à un moment où les paroles correspondaient à l’environnement et au contexte dans lequel on vivait. Malheureusement, on se rend compte que la société a peu ou pas évolué et que toutes ces paroles sont toujours d’actualité. C’est-à-dire que l’on est face à une pauvreté qui ne cesse de toucher de plus en plus de monde, à un racisme et une xénophobie exacerbée et, plus que jamais, à des politiques qui nous semblent inappropriées voire inexistantes et inaccessibles.  Justement, si vous pouviez leur faire passer un message aujourd’hui, quel serait-il ?Qu’il serait temps qu’ils se mettent à faire de la vraie politique. Seulement, il est difficile pour des personnes ne connaissant pas l’histoire du peuple français ou qui ne la reconnaissent pas de se placer en tant que régulateur ou de faire des propositions dont ils ne pourront pas évaluer l’impact sur la population. Par ailleurs, il faut aussi leur faire comprendre que les gens ne sont pas des chiffres ou des matricules et que nous sommes des individus avec des sensibilités, des pensées, des envies, des droits, des devoirs. Et, aujourd’hui nous avons plus de devoirs que de droits. Nous tenons quand même à remercier le NPA Marseille qui a été le seul parti à manifester sa solidarité par une présence physique, une aide matérielle lors des rassemblements et des actions menées contre la compagnie Yemenia1, compagnie poubelle, sans demander quoi que ce soit en retour contrairement aux autres vautours. Quel message pour les lecteurs ?

Il est temps de se prendre en charge. Et si nous voulons réellement que les choses changent, il faut savoir s’en donner les moyens, par conséquent s’exprimer et ne pas laisser les autres le faire pour nous. Quand on les laisse faire, ça donne un Le Pen à 20 %. Alors debout ! Bougez-vous, prenez-vous en charge car personne ne le fera à votre place.

Propos recueillis par Fadila El Miri1. Compagnie qui assurait le vol lors du crash de l’A310 vers Moroni, aux Comores, en juin 2009.Si triste Je suis si triste, le cœur noué par la tristesseQuand je pense à des situations qui laissent sous stress Pourquoi perdre son temps à porter des paillettes et des strassAlors que le malheur fauche, froisse, angoisse, blesseJ’suis si triste dès qu’j’entends parler des sévices, ou de violsOu qu’une petite est rouée de coups parce qu’elle portait le voile Si triste quand je repense à mon bledQuand je pense qu’à cause de l’apartheidAujourd’hui encore on décèdeQuand je pense à Karim et NacerCeux et celles laissent un jour sombrePar leurs proches au cimetière À ces mères qui n’ont guère le tempsDe dire au revoir à leur chairEt ça m’fait mal au cœur de voir des sœurs qui se déchirentCes situations me font comprendreQue je suis moins à plaindre qu’à envierSinon, que penseraient de moi ces orphelins de ces foyers Ou ces gosses nés sous x qui n’ont rien demandé à personneEt qui ont le cœur rempli d’amour et de tant de haineEn gardant un goût amer, ne peuvent se confier à personneSi triste quand je repense à Ibrahim Ali Cette nuit-là un vent de folie souffla sur Lardenne cityJe suis si triste, envie de rêverJe suis si triste, envie de m’évader.