Publié le Vendredi 7 mai 2010 à 14h56.

Questions de « genre »

Le discours médiatique a tendance à attribuer aux habitants des QP le monopole du sexisme.

La question du genre en banlieue est une question délicate. Délicate car le sens commun a l’habitude de penser la question des femmes de ces quartiers comme plus rude, plus difficile, plus violente qu’ailleurs et où il n’existerait d’autres choix que d’être « pute » ou « soumise ». Les mouvements féministes ont expliqué le genre comme la construction sociale du sexe. Les femmes sont socialement construites comme des opprimées et les hommes comme des oppresseurs. Pour lutter contre les préjugés et saisir les rapports entre hommes et femmes dans ces quartiers, il faut revenir sur les intersections de classe, de « race » (entendue ici comme un rapport social de domination et non comme une essentialisation) et de sexe nécessaires à leur bonne compréhension.

Depuis longtemps, le corps des femmes est un lieu d’exercice du pouvoir. Elles ont été utilisées et manipulées par un discours raciste que ce soit en Algérie pendant la colonisation où on a pu assister à des séances humiliantes de « dévoilement » ou en Afghanistan pour entamer une guerre impérialiste sous couvert de droits des femmes. Il s’est alors posé un système binaire dans le discours politique et médiatique. Ce système Eux/Nous oppose les Arabes traditionnalistes et conservateurs aux Français égalitaristes, modernes et civilisés. C’est la même logique qui aujourd’hui traverse le monde politique et son intimation aux « jeunes de banlieues »  de « s’intégrer ».

Depuis près de 25 ans, la sécurité intérieure est au cœur du discours politique et pour l’illustrer, les médias se tournent presque « naturellement » vers les banlieues et ses habitants. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, on a vu en France, un renforcement du vote d’extrême droite et une augmentation des lois sécuritaires. Ces attentats et la qualification de l’islam comme « axe du mal »  a participé à ce que la question de la sécurité intérieure française soit réorganisée notamment en direction des adeptes de ladite religion c’est-à-dire particulièrement en direction des quartiers populaires et notamment de sa frange la plus jeune. Focalisé sur ces quartiers et ses pratiques, des mesures ont été prises par le gouvernement afin de stigmatiser l’islam à travers les femmes. Les lois interdisant le port du hidjab ont été expliquées par la volonté de « sauver » les femmes musulmanes de la soumission dont elles seraient victimes à cause d’un islam intégriste, sexiste et réactionnaire grandissant imposés par leurs pères et leurs frères. La loi sur la burqa prive aujourd’hui de la nationalité française l’époux d’une femme qui la portera.

Ainsi, en dénonçant des pratiques d’une frange de la population comme « essentiellement » sexistes, on  a vu une assimilation des habitants des quartiers au sexisme, occultant par opposition les violences sexistes du reste de la population. Pourtant, les violences envers les femmes ne sont l’apanage ni des classes populaires, ni des jeunes de banlieues, ni des musulmans et l’enquête Enveff montre que les violences sexistes traversent toute la société, classes sociales et origines confondues puisqu’elles tuent une femme tous les deux jours et demi. On peut retrouver cette logique dans les viols. S’ils sont évidemment des actes sexistes, la surmédiatisation des « tournantes » a participé à faire des jeunes de banlieues des garçons sexistes par « nature » alors que les études sur le viol montrent que ce crime existe dans toute la société. Si la stigmatisation n’a lieu que dans un sens, c’est bien parce que c’est un discours raciste et islamophobe qui manipule ces questions, le sexisme n’est alors qu’une illusion puisqu’aucune prévention n’est proposée que ce soit en direction des quartiers ou d’ailleurs.

En banlieue ou ailleurs, être une femme, c’est avant tout résister. Cependant, la stigmatisation de la classe, de la « race » ou de la religion sont des rapports de domination qui souvent, s’ajoutent à celui d’être une femme.

Naima Anka Idrissi