Publié le Vendredi 14 mai 2010 à 14h31.

Une crise et des mythes (par François Coustal)

Ce mois-ci, Tout est à nous ! La revue s’emploie à détruire les idées reçues et les fausses explications de la crise grecque. C’est un travail nécessaire, comme est nécessaire le développement de la solidarité avec les travailleurs grecs, victimes des diktats du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Union européenne (UE). De fait, la « crise grecque » agit comme un révélateur cruel.

La mondialisation capitaliste, un processus « gagnant-gagnant » où tout le monde trouve son compte ? Au contraire, c’est l’insertion de la Grèce dans le marché mondialisé qui menace aujourd’hui les acquis sociaux des couches populaires.

L’Union européenne, un rempart protecteur et un bouclier pour les pays les plus fragiles ? Loin de « voler au secours de la Grèce », les principales puissances européennes, à commencer par l’Allemagne, ne se résignent qu’avec d’extrêmes réticences, exigeant par ailleurs des contreparties dévastatrices. Le FMI, un nouvel ami des pauvres surtout depuis qu’il est dirigé par Dominique Strauss-Kahn, un socialiste français ? Pas du tout ! Celui-ci s’exprime avec exactement la même arrogance que ses prédécesseurs : « Il faut que les Grecs aient présent à l’esprit que le redressement de leurs comptes publics, après plusieurs années de dérapages inconsidérés, va être pénible et difficile […] Croire qu’il suffit de congédier le médecin, lorsqu’il prescrit des remèdes désagréables, pour ne plus être malade, serait une illusion totale. »

Et, de fait, la « thérapie de choc » imposée à la Grèce – réduction des déficits, privatisation, destruction des acquis sociaux, démantèlement de la protection sociale – est identique à celle qui, depuis des décennies, a été imposée aux pays du Sud, renforçant les inégalités, provoquant des drames sociaux, ruinant les économies locales et affermissant toujours plus la domination impérialiste.

Mais l’enjeu de l’affrontement social qui débute en Grèce est loin d’être limité aux frontières de ce pays. Car, sans attendre, les cercles dirigeants du capitalisme européen pointent leurs prochaines cibles : le Portugal, l’Espagne, l’Irlande…

Et la France ? La France n’est évidemment pas épargnée par les fanatiques de la thérapie de choc, comme en témoignent les projets de « réforme » des retraites. Tout est à nous ! La Revue y consacre son dossier, en replaçant la question des retraites dans la perspective historique de la protection sociale collective et du salaire socialisé. Là encore, l’enjeu de la bataille qui s’annonce est considérable. Et, comme le pire n’est pas toujours sûr, quelques obstacles se dressent face à l’offensive patronale et gouvernementale. D’abord, ainsi que le confirment tous les sondages sur la question, les salariés restent très attachés à la retraite à 60 ans. Et, ensuite, malgré de multiples campagnes d’intoxication – parfois relayées y compris au sein de la gauche institutionnelle – l’idée que le problème des retraites est moins un problème démographique qu’un problème de répartition des richesses est devenue un élément du débat public. Avec son corollaire : pourquoi écarter d’emblée les propositions qui, sous une forme ou une autre, visent à prendre sur les revenus du capital pour financer la protection sociale ? Une idée qui, dans les pages Débats du Monde, fait frémir Jean Peyrelevade ! Ancien conseiller économique de Pierre Mauroy, un temps dirigeant d’entreprises nationalisées (dont le Crédit Lyonnais) et présenté comme un des patrons liés au PS, il a rejoint François Bayrou. Le NPA étant sans doute hors de son champ de vision, ses bêtes noires sont « les économistes d’Attac, les amis de Jean-Luc Mélenchon, Jean-Luc Mélenchon lui-même, voire l’aile souverainiste du Parti socialiste » à qui il reproche de proposer « une solution démagogique au problème du financement des retraites ». Et de s’indigner : « en gros, il faudrait supprimer la notion même de dividendes, donc de rémunération du capital, donc de capitalisme pour financer les retraites » !

À quoi l’on a envie de répondre : et alors ? Où est le problème ?