Publié le Lundi 21 février 2011 à 22h20.

Expo. La longue histoire de l’Angola

Ce pays jeune, qui se relève depuis 2002 d’un quart de siècle de guerres civiles, commence à mettre en valeur son riche passé. Le musée Dapper lui consacre une exposition d’une ampleur exceptionnelle, la première jamais présentée en France.Il aura fallu toute l’inculture arrogante de qui l’on sait pour prétendre que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire », la sienne comme celle des blancs. En 1975, au terme de quatorze ans de lutte armée contre le colonisateur portugais, l’Angola proclamait son indépendance, mais entre MPLA et Unita notamment, les armes continueront à parler presque constamment jusqu’à la mort du chef de l’Unita, Jonas Savimbi, en 2002. Les malheurs par lesquels l’Angola a inauguré son « histoire courte » ne doivent pas faire oublier ceux qui ont marqué son « histoire longue ». En 1482, les marins envoyés par Jean ii de Portugal plantaient deux « pierres de souveraineté » à l’embouchure du Zaïre et au cap Santa Maria, au sud de Benguela, puis entreprenaient de circonvenir, de convertir et d’assujettir le royaume de Kongo. Au siècle suivant les Portugais s’emparèrent du royaume voisin de Ngondo, gouverné par la dynastie Ngola, d’où ils tirèrent le nom d’Angola. Plus de trois siècles de traite négrière « exportant » jusqu’à 40 000 esclaves par an, les autodafés iconoclastes, les razzias, les expéditions punitives ou de conquête des Portugais, la fuite des populations loin des côtes où sévissaient les Européens, et une fois la traite abandonnée, l’imposition du travail forcé pour tous, femmes et enfants compris, avec la mise en place d’un apartheid non moins rigoureux à ne pas dire son nom, voilà qui tendait non seulement à laisser le pays exsangue, mais à y annihiler toute vie culturelle, spirituelle et artistique. Les quelque 140 objets réunis pour cette exposition, pour la plupart venus de musées étrangers (angolais, portugais, etc.) et inconnus du public français, témoignent au contraire de la vigueur des arts traditionnels angolais et de la capacité de leurs maîtres à explorer des voies nouvelles. Un cas des plus frappants — le mieux connu des Européens souvent séduits par les formes idéalisées de leurs statuettes anthropomorphes et de leurs masques pwo (« jeune femme ») — est celui des Chokwe, qui décuplèrent leur petit territoire d’origine grâce aux razzias et au commerce (y compris d’esclaves), méthodes empruntées aux colonisateurs dont ils reprirent non seulement les armes mais d’autres objets comme les chaises, portées par eux à des raffinements extraordinaires. Toujours sensible aujourd’hui, comme le montrent le catalogue et l’exposition notamment à travers l’œuvre de l’artiste contemporain António Ole, cette vitalité a maintes explications à tirer de l’histoire courte ou longue de l’Angola, mais elle trouve également ses sources dans un passé plus ancien que l’archéologie commence seulement à dévoiler. Elle a mis au jour des vestiges humains vieux de 1 à 2 millions d’années, sans doute ceux de dépeceurs de baleines venues s’échouer sur les côtes. Grâce à cette exposition qui présente aussi la plus ancienne sculpture en bois d’Afrique centrale aujourd’hui connue, datant des viiie-ixe siècles et figurant la tête et l’encolure d’un animal mystérieux, pour un usage qui reste tout aussi obscur, on entrevoit tout ce que réserve de surprises présentes et à venir la longue histoire de l’Angola. G. B.Musée Dapper, 35 bis rue Paul-Valéry, 75016 Paris. Jusqu’au 10 juillet 2011.