Après Sarkozy-Fillon et leurs ministres de l’Intérieur successifs, avec Valls c’est tout le gouvernement Hollande-Ayrault qui banalise et répand la xénophobie et le racisme, en s’attaquant aux bouc-émissaires et parias que sont devenues quelques milliers de personnes sur le territoire hexagonal, les Roms.
77 % des sondés sont d’accord avec Valls lorsqu’il déclare que « seule une minorité de Roms cherche à s’intégrer » et que « leur mode de vie » serait en « confrontation » avec celui des français, et ce sont même 93 % qui trouvent que les Roms « s’intègrent mal dans la société française »1. Dans le camp socialiste, il est loin d’être seul à tenir de tels propos : Michel Destot, maire de Grenoble, s’accorde à dire qu’il « a raison sur toute la ligne » ; Francis Chouat, maire d’Evry, pense pour sa part « qu’il faut démanteler les camps et
organiser leur retour », sans même parler de Gilles Bourdouleix, maire UDI de Cholet, pour qui « Hitler n’en n’a peut-être pas tué assez »… Valls de conclure : « les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ».
Il y a dix ans à peine, personne ne parlait des Roms. Ils n’occupaient pas le devant de la scène médiatique, ils ne constituaient pas « un problème » et seul Jean-Marie Le Pen se serait permis son « Ils arrivent. Sie kommen »… Depuis, la France est régulièrement interpellée pour sa violation des droits des Roms et elle est le seul Etat de l’Union européenne à ne pas avoir signé la convention-cadre pour la protection des minorités nationales. De plus, la parole xénophobe s’est banalisée. Mais cela ne serait que nauséabond, si les fantasmes agités par tous les politiciens en mal de thème de campagne « populaire » à la veille des municipales et des européennes ne venaient pas trouver l’oreille et la sympathie de nombreuses personnes déboussolées par la crise et écœurées par l’alternance de la gauche et de la droite. Le degré de rejet que subissent les Roms est alarmant. Quant au calcul politicien de l’UMP et du PS, il est dérisoire. Sans même rien faire, le FN est gagnant.
Qu’importe que les Roms qui sont des populations sédentaires n’aient que peu à voir avec les gens du voyage2, ils sont perçus comme des populations instables et cette minorité poussée à fuir son pays fait peur. Hors la loi, mafieux, sale, voleur, feignant… Le « boulet tsigane » créé « l’overdose »3 et génère les interrogations les plus pernicieuses : « sont-ils tous délinquants ? »4 peut-on ainsi lire dans un journal qui se veut de gauche…
Les « hordes »5 débarquent et refusent de s’intégrer
Le nombre de Roms en France est resté sensiblement le même depuis vingt ans, entre 15 000 et 20 000 personnes. En d’autres termes, ce nouvel ennemi représente au plus 0,03 % de la population ! On est loin de «l’hémorragie rom » chère au maire socialiste de Clermont-Ferrand, à laquelle il invite à « mettre un terme ». Mais ils sont visibles car avec les Roms ce sont les bidonvilles qui ont refait surface. Comme le note Carine Fouteau, « paradoxalement, en France, les démantèlements entretiennent une impression « d’invasion » car en « poussant », selon le terme administratif, les personnes d’un lieu à l’autre, les expulsions à répétition multiplient les points de contacts avec le voisinage. Plutôt que d’avoir quelques centaines de voisins mécontents, des milliers le sont »6.
De plus, la très grande majorité des communes refuse de trouver des solutions de logements pérennes et décentes pour les quelques milliers de Roms, la plupart installés depuis plus de cinq ans, et préfèrent expulser ces populations même si cela aggrave et détériore plus encore leurs conditions de vie. Le ministre de l’Intérieur a beau jeu d’évoquer leur refus de s’intégrer, quand ce sont les services de l’Etat qui les expulsent et que le campement illégal est leur seule « solution ». Comment par ailleurs s’intégrer, quand certaines mairies refusent de scolariser leurs enfants?
Ces nouveaux « bohémiens » seraient sales. « Une présence urticante et odorante », selon Jean-Marie Le Pen, le 4 juillet à Nice. Qu’en est-il ? Ce sont les municipalités qui leur refusent le ramassage d’ordures, et ce malgré les obligations du code général des collectivités locales. Mais les quelques rares militants de la cause Rom qui entrent dans leurs campements l’affirment : les cabanons et autres habitats de fortune sont extrêment propres. Les femmes Roms passent un temps considérable chaque jour à nettoyer leurs lieux de vie, malgré les tracas là aussi causés par les communes qui leur refusent souvent – en dépit de la réglementation – l’accès à des points d’eau.
Protégeons nos poules, nos enfants et nos allocs
Mais le pire évidemment c’est qu’il faut, à l’approche d’un Rom, serrer bien fort son sac à main. Rachida Dati l’affirme : ils « viennent arracher les sacs des enfants à la sortie des classes » ! Diantre, au « voleur de poule » s’est substitué le perfide assaillant de nos chérubins… La France a créé les conditions pour faire en sorte que les Roms ne trouvent pas de travail. En effet, en tant que citoyens européens, ils bénéficient de la libre circulation mais depuis 2007, l’Europe a restreint le nombre de métiers autorisés aux ressortissants roumains et hongrois. Moralité : ils survivent le plus souvent grâce au travail au noir ou à la débrouille et à la mendicité, comme y pousse l’extrême pauvreté.
C’est donc sans surprise que de nombreux Roms sont ferrailleurs ou chiffonniers, et de l’économie de la pauvreté découle aussi le vol : vols de métaux dans les décharges et les voies ferrées, encombrants récupérés, containers d’habits convoités. A la guerre comme à la guerre, les Roms cherchent à survivre alors que leur accès à l’emploi est très fortement limité. Mais à gauche comme à droite, de plus en plus nombreux sont les hommes politiques à s’alerter du fait que le 31 décembre 2013, ces mesures restrictives sur l’emploi devraient prendre fin. Enfin pour travailler, il faut un permis de séjour, et trois mois c’est à peine suffisant pour l’obtenir. Au mieux, le temps d’obtenir les bons papiers, le boulot disparaît… De plus, contrairement aux préjugés ambiants, comme les Roms ont rarement des revenus suffisants pour pouvoir rester en France, ils sont expulsables au bout de trois mois et par conséquent ne peuvent percevoir aucune aide sociale.
Si l’insatisfaction et l’amertume contre le gouvernement sont palpables, les diversions politiciennes que Valls et d’autres nous jettent en pâture fonctionnent désespérément bien. En temps de crise, les recettes nauséabondes du passé sont ressorties sans ambages : diviser pour mieux régner, désigner des boucs émissaires. Pourtant les Roms ne sont en rien responsables de l’aggravation et de la dégradation bien réelle des conditions de vie de la grande majorité.
Et pendant que Valls fanfaronne et monte dans les sondages, fort de sa popularité gagnée par la démagogie la plus crasse, c’est autant d’énergie que notre camp social ne consacre pas à s’en prendre aux vrais responsables de la crise, des gouvernants et des patrons, bien « comme il faut », bien « intégrés » et qui s’ils ne volent pas de poules nous dérobent, à mesure que s’égrènent les mesures d’austérité, la possibilité de vivre décemment.
Jihane Halsanbe
Notes :
1 Sondage BVA pour Le Parisien/i-Télé/CQFD paru le 28 septembre 2013.
2 En effet, les gens du voyage, parfois français depuis plusieurs siècles, sont nomades ; tandis que les Roms sont des populations sédentaires
dans leurs pays d’origine qui sont poussées à fuir pour des raisons économiques, à cause des guerres mais aussi des discriminations raciales qu’ils subissent.
3 « Roms, l’overdose », titre du dossier de Valeurs Actuelles, 22 août 2012.
4 « Roms : tout dire ? », Marianne, 10 août 2013.
5 « Roms, l’overdose », Valeurs actuelles.
6 « Invasion, délinquance, mendicité, saleté ? Tout dire sur les Roms », 26 septembre 2013, Médiapart.