Publié le Vendredi 17 septembre 2021 à 18h00.

Alerte lourd en France bien blanche

À propos d’OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire, réalisé par Nicolas Bedos, sorti le 4 août 2021, 1 h 56.

Certains diront qu’on y est allé avec déjà une idée en tête. Difficile de leur donner tort, et le film de nous donner raison : avec Nicolas Bedos à la réalisation, le troisième opus de la comédie d’espions semble fait de la matière dont on fait les jeunes encravatés de droite, pour qui la franchise était devenue, un peu malgré elle, la référence culte.

Le grand détournement

Pourtant, les premiers films (Le Caire, nid d’espions et Rio ne répond plus, réalisés par Michel Hazanavicius) avaient réussi à manœuvrer dans un champ de l’humour où, généralement, il n’est même pas forcément nécessaire de trancher sur la nature des ressorts comiques en présence : bonnet blanc ? Blanc bonnet ? On trouvera bien quelqu’un pour en rire, et sus aux rabat-joies. À toutes fins utiles, commettons l’irréparable : essayons d’expliquer la blague. Le principe d’OSS 117, c’est de parodier les films de genre des années 1960. Alors que dans ces films rien ne résiste au super-mâle, le réel intérêt comique d’OSS 117 est de présenter les situations de manière à ce que le spectateur ait du recul sur le personnage et sa ringardise. C’est en fait d’Hubert Bonisseur de La Bath qu’on rit. Une manière subtile d’indiquer que ce ne n’est pas que l’époque qui a changé, mais que ce genre de fantasme viril a toujours été en décalage avec la réalité. Ce que le spectateur est invité à comprendre à travers le regard des autres personnages, notamment féminins : alors qu’habituellement elles valident le consensus d’admiration autour du personnage principal, dans OSS elles font exactement le contraire. Leur investissement dans les missions est en décalage complet avec le nombrilisme et l’ignorance de l’espion français, et elles sont déroutées non par son charisme mais par les propos affligeants que celui-ci tient à longueur de films. Permettant au spectateur de s’identifier à elles, et l’autorisant à confirmer qu’en effet, Hubert est bien ­complètement con.

Il était un petit homme... pirouette, cacahouète

Malheureusement dans ce dernier volet, on sent surtout que Bedos, lui, peut trouver Hubert et ses remarques racistes et sexistes drôles en tant que telles. On ne se moque plus de l’absurdité de ces comportements et de leur bêtise : on est invité à en apprécier l’impertinence. D’ailleurs, OSS 1001, le personnage joué par Pierre Niney, censé être l’équivalent du personnage féminin qui apporte ce premier recul sur son partenaire, est peint comme un jeune donneur de leçons, dont la mort subite alors qu’il critique vertement OSS 117 est amenée comme un soulagement. Pour Bedos et tant d’autres, après tout « on plaisante ». C’est un peu acide pour certains mais c’est toujours préférable à la « bien-pensance ». Quant au fameux aspect critique sur la France, il s’est déporté sur d’autres éléments (la pseudo « indépendance » d’anciennes colonies africaines : pas si faux, mais pas si risqué). Le nationalisme n’est jamais directement tourné en ridicule. Ça ne vaut pas un gag sur le fait de ne pas pouvoir bander.

Macron 117

Le film a déjà fait plus de 1,5 million d’entrées. Encore une preuve qu’on ne peut vraiment plus rien dire. Ou peut-être que ceux qui ont la parole n’ont pas grand-chose à dire. On excuse Bedos : après cinq ans de quinquennat Macron où l’on voit Hubert Bonisseur de La Bath partout à la télé et à la radio, difficile de distinguer l’absurde de la réalité.