De Luz, Futuropolis, 2017, 36 euros.
Luz est depuis tout petit dessinateur. Il fut durant longtemps un pilier de Charlie hebdo, journal dont il fit à de très nombreuses reprises la couverture. Survivant de la tuerie qui toucha son journal et décima ses amis, il tenta d’exorciser ses peurs et ses peines dans un très émouvant album, Catharsis.
En parallèle de son activité de dessinateur de presse, chroniqueur mordant et méchant de l’actualité politique, Luz s’est mis un jour à raconter ses aventures dans les salles de concert. Amateur de rock dans ses diverses déclinaisons (ce qui pour lui inclut le folk, l’électro, le hip hop ou le métal), Luz court les salles de concert et les festivals. Autant il déteste la chanson française, autant il aime la musique qui fait du bruit... Il y a presque 20 ans, il a donc commencé à raconter dans les pages de Charlie hebdo ses aventures pleines de guitares électriques, de batteries, de basses... et de bières. Au fil des pages, on retrouve Jarvis Cocker, Jello Biafra, Motörhead, Einstürzenden Neubauten, Frustration, The Kills, ou encore The Gossip. Tatapoum tatapoum !
Ainsi, Luz raconte notamment ses aventures avec une bandes de potes lors du festival Fury Fest, dans lesquelles il décrit le public, se moque gentiment de leur accoutrement, de leur état d’ivresse et de leurs tatouage. On est ainsi embarqué à leurs côté dans une joyeuse virée pleine de bières, de pogos et de bruits. Chroniqueur infatigable des scènes musicales, Luz passera même parfois de l’autre côté en devenant DJ, et en faisant danser les gens (il en tirera un petit album, Faire danser les filles).
Ce qui est le plus intéressant dans le dessin de Luz, c’est la manière dont il rend compte de l’ambiance qui règne sur scène et dans la salle, de l’énergie que dégagent certains musiciens. Au cours de ces deux décennies, son trait a beaucoup évolué. Il est devenu plus brut. Quelques coup de crayons évoquent une silhouette, un mouvement. Les croquis qu’il réalise au cours des concerts semblent livrés tels quel. Une certaine abstraction s’empare du dessin qui ne transmet plus que l’énergie brute et rageuse du rock. Ainsi, les pages qu’il consacre à Iggy Pop lors d’un concert des Stooges à Nyons en 2010 sont assez étonnantes, tant on voit émerger l’iguane et sa fougue de ce qui au départ ressemble à quelques gribouillis.
On retrouve également tout au long de cet ouvrage les aventure de Luz et de sa fille, encore un poupon, qu’il tente d’initier aux joies du rock’n’roll, lui faisant découvrir sa collection de vinyl. Lorsqu’il s’interroge sur la musique qu’elle aimera plus tard, vu qu’elle fait un gros renvoi, il en conclut qu’elle aimera le death metal...
À la fin de l’album, Luz évoque la tuerie du Bataclan, de ce public dont il se sent si proche tant il a fréquenté les salles de concert. Et il conclut par ces mots : « Et nous, mécréants du bruit, nous continuerons pourtant à croire. À croire en la musique. À croire en ces live qui nous rendent vivants. Parce que l’on sait, nous, que la vie est courte comme un concert sans rappel ».
Au final l’auteur nous livre un gros et beau bouquin. Près de 400 pages pleines de bruit et très joliment éditées. À lire avec un disque des Dead Kennedys ou de The Fall à fond !
Pierre Baton