Publié le Vendredi 25 décembre 2015 à 13h45.

Bande dessinée : Cher pays de notre enfance

Enquête sur les années de plomb de la Ve République, Étienne Davodeau et Benoît Collombat, Futuropolis, 2015, 24 euros. Commander sur le site de La Brèche.

Au pays des barbouzes... Sur la photo officielle réalisée par Jean-Marie Marcel, le général de Gaulle se tient débout dans la bibliothèque du palais de l’Élysée. Il porte la panoplie complète du chef de l’État (grand-croix de la Légion d’honneur et collier de grand maître de l’ordre de la Libération). Le regard est lointain, tourné sur la gauche. La main droite repose sur deux livres épais. C’est cette photo qu’Étienne Davodeau a utilisée (après avoir dû demander une autorisation officielle !) pour la couverture de son nouvel album, réalisé avec Benoît Collombat. Un léger détail distingue pourtant le dessin qui sert de couverture à l’album de la photo : la tache de sang rouge qui éclabousse De Gaulle sur sa manche et le côté de son visage...

Cette image très forte de la couverture donne le ton de cet album consacré à une face sombre – très sombre ! – de la vie politique française de 1975 à nos jours, c’est-à-dire après la mort du général de Gaulle. Mais l’époque porte l’empreinte de décisions et de choix politiques antérieurs. Étienne Davodeau et Benoît Collombat s’attaquent ici à la « grande » histoire nationale ou plutôt descendent dans ses sombres sous-sols via cet album atypique. Celui-ci se présente comme une enquête (passionnante !) où les deux comparses vont à la rencontre des témoins encore vivants des affaires qu’ils évoquent ou de celles et ceux qui, aujourd’hui encore détiennent des informations capitales ou subissent les conséquences de ces affaires lointaines.

Le livre est composé de quatre parties dont chacune est consacrée aux agissements des barbouzes de la République, en l’occurrence le SAC (officiellement une simple association créée en 1960 par des fidèles du général de Gaulle, comme Jacques Foccart, Alexandre Sanguinetti ou Roger Frey afin de « défendre sa pensée et son action »...).

Davodeau se met en scène avec son comparse dans des planches en noir et blanc où la finesse du trait, l’usage des nuances de gris, la variété des plans sur les visages, les décors – à la fois simples et sophistiqués – nous plongent littéralement au cœur de l’enquête. D’un point de vue graphique, c’est une réalisation remarquable qui en fait non seulement un ouvrage d’histoire et de journalisme d’investigation mais aussi une véritable œuvre d’art.

Élise